Fidel Castro quitte son île avant que les Etats-Unis la transforment en bordel à touristes

Sa disparition permettra à tous les nostalgiques de l’anti-communisme de se déchainer en oubliant qu’il a libéré son pays

Claude-Marie Vadrot  • 26 novembre 2016
Partager :
Fidel Castro quitte son île avant que les Etats-Unis la transforment en bordel à touristes

Fidel Castro a beaucoup de chance. Il ne verra pas son ile (re)transformée en bordel pour touristes américains et européen vieillissants. Comme cela se passe depuis des années, par exemple, à Cancun ou autour de la désormais triste baie d’Acapulco au Mexique. (Re)transformée car c’est une ile livrée aux jeux, à la prostitution et aux maffias que Fidel, Guevara, Cienfuegos et tous les autres ont libéré en janvier 1959 ; en renversant un dictateur maffieux, corrompu et au service des intérêts américains les plus glauques : Fulgencio Batista. Il sera difficile aux Cubains de résister aux capitaux américains qui ont déjà commencé à se déverser sur l’ile pour tenter de la transformer en « boite à vacanciers ». A l’imitation de ce qui défigure déjà la région de Verdadero, mini-ville d’hôtels de luxe installée par le régime actuel à 140 kilomètres de La Havane. Une préfiguration de ce qui guette le pays tout entier parce qu’il avait un besoin désespéré de devises après la disparition de l’URSS. La seule façon de résister au blocus qui a plus mortellement blessé Cuba que les erreurs et l’autoritarisme parfois cruel de Fidel et de son entourage.

Tombereaux d’insultes

Alors, vont se déverser sur le « leader maximo » des torrents d’injures et de maigres ruisselets de commentaires positifs rappelant ce que lui et ses compagnons on fait de Cuba. Une ile qui a eu le tort de dire merde aux Etats-Unis sans se soucier du danger qu’il y avait à défier un pays-continent. Le président Kennedy leur rappela deux ans plus tard avec son piteux débarquement raté. Un évènement qui précipita, à tort ou à raison, le régime castriste vers le parapluie soviétique.

Pour ma part, je ne veux me souvenir que de la fièvre sympathique et souvent exaltante qui animait en ce temps la les rues de la Havane où les ruelles des villages dont on ne peut plus imaginer aujourd’hui le niveau de pauvreté. En ce temps là on croisait encore Ernest Hémingway venant prendre un dernier verre (ce qui faisait beaucoup…) à l’Hôtel d’Angleterre, en sortant de la rue étroite qui traverse encore la vieille Havane. Et, d’une certaine façon, la joie quotidienne demeure.

Car je veux aussi me souvenir qu’en dehors des quartiers chics de La Havane, les habitants ont toujours gardé leur confiance envers Fidel. Aussi étonnant que cela peut nous paraitre dans une France plus que jamais en proie à la haine de tout ce qui ressemble à une vraie gauche, les Cubains jusqu’au bout et majoritairement, seront restés fidèles à Fidel. Et c’est avec une sorte d’enthousiasme enfantin que ces dernière années, ils se sont lancés dans des aventures privées qui concernent avant tout le secteur des services et les productions agricoles. Les jardins potagers sont devenus une institution cubaine palliant bien des insuffisances de l’économie étranglée par des années de blocus.

Les Cubains fiers de leur pays

Tout n’était pas rose à Cuba, surtout pour la nouvelle bourgeoisie plus ou moins intellectuelle qui fait sa pub à l’étranger, il y a encore des prisonniers politiques et la liberté de la presse n’est pas…passionnante. Mais les Cubains disent encore, en majorité, qu’ils sont heureux et fiers de leur opiniâtre résistance aux Etats Unis et qu’ils se méfient du paradis américain promis. Probablement parce qu’ils savent ce qui est arrivé aux peuples de l’Est qui ont rêvé de l’Amérique : cette quête s’achève aujourd’hui dans le libéralisme économique le plus effréné et la régression sociale ; sans oublier celle de l’Education et de la Santé. Deux secteurs qui ont résisté sur Cuba à toutes les crises.

Pour comprendre l’attachement de ce peuple à ses responsables, il ne faut oublier ni sa longue histoire au quotidien, ni les discours de Fidel, à la télévision ou plus souvent place de la Révolution. Ils duraient des heures mais ils étaient attentivement écoutés des heures. Pour avoir entendu certains des premiers et certains des derniers, je peux témoigner qu’ils étaient à la fois passion et pédagogie. Ce qui n’enlève rien aux erreurs du pays mais ajoute à sa force et à sa grandeur.

Mourir à 90 ans, cela n’a rien de triste. Surtout quand on pressent que le révolutionnaire Cubain qui vient de disparaitre ne connaitra pas la dégradation de son pays.

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don