« Good Time », de Josh et Benny Safdie

Les frères new-yorkais signent un excellent polar énervé.

Christophe Kantcheff  • 26 mai 2017
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« Good Time », de Josh et Benny Safdie
© Crédit : D. R.

Dans une compétition globalement très moyenne – rendez-vous demain pour un bref bilan de ce cru 2017 et mon palmarès idéal –, quelques films tirent leur épingle du jeu, dont Good Time, de Josh et Benny Safdie. Les frères new-yorkais s’étaient déjà illustrés avec l’excellent Mad Love in New York (2014), sur de jeunes marginaux filmés de façon brute, à la manière du cinéma vérité. On retrouve dans ce Good Time, au titre non dénué d’ironie, des quartiers pauvres de la Grosse Pomme et une mise en scène souple, rapide, directe mais plus découpée. Sans doute parce que pour la première fois les Safdie tournent avec une star, Robert Pattinson, à qui ils consacrent des gros plans – un Pattinson, dont la filmographie prend un tour de plus en plus intéressant : venant de loin, deTwilight, le voici chez les Safdie après être passé par James Gray (The Lost City of Z).

La société américaine est impitoyable, mais elle a aussi des institutions qui s’occupent des populations fragiles, les personnes ayant des problèmes psychiques, par exemple. Le film s’ouvre sur un long entretien entre un psychiatre et Nick (Benny Safdie), jusqu’à ce que son frère, Connie (Robert Pattinson), ne fasse irruption pour le récupérer, parce qu’il a besoin de lui pour exécuter un casse. L’affaire tourne mal, et Nick se retrouve en prison. Tandis que Connie, en cavale, va tenter de réunir la caution pour le faire libérer.

Si la figure du petit truand ayant la police à ses trousses, avec usage de stupéfiants et courses poursuite, est un classique, les frères Safdie ont soigné la complexité de leurs personnages. Connie peut paraître attachant – avec le sauvetage de son frère en tête – et ingénieux, par sa maîtrise de l’improvisation, d’où le fait qu’il a (presque) toujours un coup d’avance sur la police. Mais dès qu’il a entre ses mains un individu qui le gêne, il déploie une violence inouïe pour le passer à tabac, sans aucune pitié. Sur sa route : une jeune fille noire de 16 ans, Crystal (Taliah Webster), à la fois séduite par Connie mais gardant un certain quant-à-soi vis-à-vis des intentions réelles de celui-ci. À la suite d’un quiproquo burlesque – Connie, croyant « enlever » son frère d’un hôpital, fait erreur sur la personne – il rencontre aussi Ray (Buddy Duress), dealer de seconde zone tout juste sorti de prison, sorte de pied nickelé touchant à force de bousiller tout ce qu’il entreprend. Connie embarque ce petit monde avec lui.

Good Time tourne à plein régime – survolté, surtout dans sa première partie, par la musique électronique de Point Never Oneothrix – sans négliger aucun de ses personnages. Ray a même droit à une étonnante et drolatique parenthèse narrative quand il raconte en flashback l’histoire minable qui l’a mené entre deux flics à l’hôpital. Ce qui ne ralentit en rien le rythme trépidant du film, qui est aussi celui de la fuite en avant dans laquelle les personnages finissent par être acculés. Même si l’action y est confinée dans un lieu clos, on pense à Un après-midi de chien (1973), de Sidney Lumet, autant par la nervosité du style que par l’impression d’inéluctabilité qui en émane. Tandis que Robert Pattinson n’aura bientôt plus rien à envier au génial Al Pacino.

De sérieuses références, donc, mais qui ne pèsent pas, et une réussite dans le genre qui pourrait donner de bonnes idées au jury. Qui sait ?

Temps de lecture : 3 minutes
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