Chronique jardin déconfinée: quand les tomates empoisonnaient

Quand les agronomes réinventent la tomate cerise qui pousse naturellement dans les Andes

Claude-Marie Vadrot  • 27 avril 2020
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Il y aura bientôt une cinquantaine d’année que j’ai commencé à bêcher mon jardin des environs de Gien, dans la Loiret, je ne savais pas grand-chose de la terre, ayant oublié ce que j’avais vu et essayé dans la ferme morvandelle de mes grands parents. J’ai vite compris que je me créais une addiction qui dure encore et qui m’a servi d’antidote à chaque retour de couverture journalistique d’un conflit armé lointain, de la guerre du Bangladesh aux Balkans en passant par la Tchétchénie ou le Rwanda. Le jardin potager et fruitier, c’est une ascèse, un remède, un plaisir et une façon de se nourrir. Deux fois par semaine je raconterais ce que je fais, ce que cela m’inspire et à quoi cela sert.

Tomates : 120 millions de tonnes sont produites et consommées chaque année dans le monde, 7 millions dans l’Union européenne et 830 000 tonnes en France. Sous toutes les formes y compris les « sauces innommables » importées de Chine et parfois d’Italie et n’ayant pas grand-chose à voir avec le légume trônant sur les étiquettes. En France, mais aussi dans une moindre mesure en Italie, la production commercialisée est en baisse depuis quelques années. Les agriculteurs de la FNSEA accusent à grands cris les producteurs espagnols en oubliant que cette diminution est d’abord liée à la production des jardins privés et associatifs dont les propriétaires et usagers augmentent chaque année, la production consommée. Depuis que la plupart des jardiniers amateurs se sont lancés dans la tomate. Parce qu’ils se sont rendus compte qu’elles avaient plus de gout que les tomates de production industrielle et qu’il est très facile de les faire pousser, qu’elle que soit la surface de terrain dont on dispose…

Planter

Deux méthodes donnent de bons résultats. La première consiste à semer dans une pastille de tourbe ou de fibres de coco compressée. Après l’avoir plongée quelques minutes dans l’eau pour qu’elle prenne l’aspect d’un cylindre de trois centimètres de haut, une fois gorgée d’eau. A une extrémité de cette pastille gonflée un petit trou dans lequel on glisse une minuscule graine de tomate. Ensuite mettre les cylindre les uns à côté des autres et au bout de quelques semaine la (promesse de) tomate apparait et grandit. A condition que la chaleur et la luminosité aient été suffisantes. Il est possible d’avoir un meilleur résultat en plaçant les cylindre dans une mini serre électrique chauffante d’une dizaine de watts de puissance et recouverte d’un couvercle dotée de un ou deux orifices d’aération. Exposition mi-ombre mi soleil et en extérieur. Quand la tomate atteint une dizaine de centimètres plante le cylindre en terre sans y toucher. Cette opération se déroule de février à avril et les premières tomates, selon la variété choisie, commencent à murir entre fin juin et fin juillet.

La deuxième méthode (plus onéreuse) consiste à acheter des plants de tomate à un maraicher en attendant la fin avril pour éviter les gels tardifs. Pour lui donner force et résistance, enterrer un partie de la tige, ce qui permet à des racines supplémentaires de se développer. Comme engrais bio deux pincées de corne torréfiée aident les tomates à pousser et à donner une belle récolte de plusieurs kilogrammes. Y compris sur un appui de fenêtre ou un balcon ; dans de grands pots.

Fruit ou légume

D’abord, un rappel : bien que considérée par la plupart de ses consommateurs comme un légume, tomate est un fruit. Les paysans de la montagne vénézuélienne qui m’ont fait un jour lointain, gouter les petites tomates dont les tiges couraient sur le sol plus de 3000 mètres d’attitude dans la région de Mérida les mangeait comme tels en dépit de leur acidité. Sur toute la façade pacifique, de la Colombie au Chili, on trouvait (et on trouve encore) ce petit légume sauvage se ramasse sur des terres plus peu fertiles. Des années plus tard, en France, je vis surgir sur les étals une « tomate » minuscule vendue fort cher. Des ingénieurs agronomes avaient inventé la « tomate cerise » sans savoir qu’elle existait dans la nature. La légume « volé » comme bien d’autres aux Amérindiens, débarqua en Europe par l’Espagne au début du XVI° siècle, les plus grosses arrivant à la même époque du Mexique. De la péninsule ibérique, la tomate passa en Italie où elle fut bien accueillie. Par contre les Français la considérèrent comme un poison jusqu’à la Révolution et l’un des premiers catalogues Vilmorin publié une quinzaine d’années plus tôt la présentait comme une plante d’ornement vénéneuse Ce sont les Révolutionnaires marseillais montés à Paris qui en réclamant et le fruit et sa sauce dans les gargotes de la capitale réussirent à briser la méfiance d’une majorité de scientifiques de l’époque. Et la tomate retrouva la pomme de terre qui sauva Paris d’une famine sous la révolution, dans les jardins, les champs, les restaurants et les catalogues. Les agronomes s’emparèrent du nouveau légume pour créer des tomates de grosseurs, formes et de couleurs différentes. Au point que les spécialistes répertorient aujourd’hui près de 600 « pomme d’amour » officiellement reconnues en France.

(À suivre, les radis)

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