En attendant Ségolène…

Michel Soudais  • 8 février 2007 abonné·es

Rarement un discours n’aura été autant attendu. C’est dimanche que Ségolène Royal doit présenter son projet présidentiel. Elle le fera à Montreuil, devant les premiers secrétaires de section du PS. Quatre mille personnes sont attendues, dont, on l’imagine, bon nombre de journalistes. Pour la candidate, l’exercice n’est pas sans risque. Il n’est pas sûr que la présidente de la région Poitou-Charentes l’ait bien mesuré. En imposant au PS de commencer sa campagne par « une phase d’écoute » , après avoir été désignée par les adhérents sans même avoir publié le livre participatif qu’elle promettait pour septembre, puis novembre, la députée des Deux-Sèvres escomptait susciter un désir, tout en se gardant de trop s’exposer. Elle n’a éveillé qu’impatiences et doutes.

Ceux des médias sont visibles. Il en est qui s’interrogent. « Tiendra-t-elle ? » , se demandait l’Express , la semaine passée. D’autres brûlent désormais l’icône qu’ils avaient portée au pinacle durant la campagne d’investiture interne. Lacandidate naguère rafraîchissante serait subitement devenue légère, imprévisible, incontrôlable… Les débats participatifs, que les socialistes ont multipliés ces dernières semaines ­ Solferino avance le chiffre de 5 000 réunions ­, ne sont pas aussi médiatiques que les shows à l’américaine de Nicolas Sarkozy. D’où une déception, qui n’est pas celle des électeurs.

Celle-ci, néanmoins, menace. Les débats participatifs ont certes permis aux socialistes de renouer le dialogue avec une frange de la population, ravie de retrouver l’ambiance des réunions électorales d’antan, quand les campagnes électorales ne se gagnaient pas encore à la télévision mais dans les préaux d’école. Pour autant, ne risquent-ils pas de susciter frustrations et déceptions chez des électeurs qui ont cru sincèrement que leurs idées, remarques et avis seraient pris en compte par la candidate ? Éviter cet écueil nécessiterait de la candidate une capacité à concilier des aspirations contradictoires, voire antagoniques, quand on attend d’un candidat à l’Élysée qu’il affirme des choix.

Si le souci d’aller à la rencontre des électeurs est louable, le marketing n’était pas tout à fait absent de cette phase d’écoute. En témoignent les affiches de la Ségosphère qui ont fleuri sur les murs de nos villes ou sont brandies par des fans lors des meetings : « Impose-toi dans le débat. » L’injonction s’adressait évidemment aux électeurs, invités à participer au grand remue-méninges royaliste. Comme souvent, les publicitaires n’avaient pas prévu qu’on pourrait en faire une autre lecture. Aujourd’hui, alors que Ségolène Royal chute dans les sondages, ces affichettes résonnent comme un aveu de faiblesse, la sommation que lui font ses soutiens inquiets de l’omniprésence de Nicolas Sarkozy.

Depuis son entrée en campagne officielle, le président de l’UMP multiplie promesses et engagements. Avec une démagogie apprise au contact de Jacques Chirac, l’ancien maire de Neuilly flatte les « travailleurs » et caresse les enseignants dans le sens du poil, tout en promettant aux patrons de les satisfaire. Il lance des oeillades à l’électorat de gauche et cherche à séduire les électeurs lepénistes. Plus c’est gros, plus ça semble passer. Soutenu par une machine UMP qui fait implacablement le procès en incompétence de la candidate du PS, qui en multiplie elle-même les occasions, Nicolas Sarkozy paraît aussi dominateur que sûr de lui. Sa prestation sur TF 1, lundi soir, en est l’illustration. Peu d’annonces dans cette émission, hormis l’engagement de remettre en cause les régimes de retraites spéciaux, mais une assurance qui en impose. Dimanche, le patron de l’UMP a prévu de réunir ses comités de soutien à la Mutualité, pour couper l’herbe sous les pieds de sa rivale.

Le match a tout pour être inégal. Car là où le ministre-candidat, entouré de nouveaux pipoles ralliés à son panache, se contentera de séduire, Ségolène Royal devra convaincre. Et d’abord dans son propre camp, où ses dernières interventions n’ont pas rassuré. Un exemple ? Interrogée sur les 35 heures dans la Voix du Nord (19 janvier), elle dit vouloir que « les entreprises aient l’agilité pour conquérir les marchés extérieurs » . Cette « agilité » est-elle compatible avec la remise en cause des assouplissements aux 35 heures votés par la droite ? « Je ne m’interdis rien dans ce domaine » , dit-elle encore, en envisageant de « réajuster » la réforme des 35 heures pour en « gommer [les] effets négatifs » . Or, la généralisation des 35 heures figure pourtant dans le projet du PS adopté cet été. Qu’en retiendra-t-elle ? Réponse dimanche.

Politique
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