Les exploitants et les exploiteurs

Kadir van Lohuizen a suivi plusieurs années la filière
des diamants en Afrique. Des profits colossaux
sur le dos des populations locales.

Jean-Claude Renard  • 15 février 2007 abonné·es

La géographie est vite plantée. Le décor aussi. Congo, Sierra Leone et Angola. Des pays terrassés par leurs sols, les luttes intestines pour leurs riches matières premières. Acte I : dans les années 1990, en Angola comme en Sierra Leone, les gisements de diamants sont essentiellement contrôlés par les rebelles. Parce que le commerce de diamants permet d’acheter des armes. Acte II : les filières de diamants se plient à l’opinion publique, et, fin 2002, un accord est signé par un grand nombre de pays producteurs et importateurs. Un système de certification garantit que seuls les diamants qui ne sont pas liés à des conflits sont commercialisés. Cet accord met un frein à la contrebande, rend la filière plus transparente. Aujourd’hui, les mouvements rebelles ne pèsent plus guère sur l’exploitation.

Il n’empêche, les conditions de travail, sur place, restent effrayantes. Si les bénéfices sont considérables, les populations locales sont écartées des profits. Air connu. Les compagnies minières obtiennent de vastes concessions qui autorisent le contrôle des échanges commerciaux. Les populations sont expulsées de leurs terres sans réelle contrepartie. Là-dessus, les réserves abondantes de diamants risquent de provoquer un effondrement du marché. Un effondrement qui toucherait en premier lieu les ouvriers de cette belle industrie.

Les diamants ont beau briller, le tableau reste sombre. Photographe de l’agence Vu, Kadir van Lohuizen a suivi sur plusieurs années les filières des diamants, de l’extraction à leur commerce final. D’Afrique en Europe et aux États-Unis. Des images en noir et blanc (près de quatre-vingt-dix, pour l’essentiel saisies en 2004) chassant dans le cadre les pleins et les vides, les volumes entrecoupés de lignes. Des paysages lunaires recouverts de poudre de diamants, un nettoyage d’usine, une extraction de graviers depuis la mine, des masses de corps nus dans l’effort, les obsèques d’un mineur, une pesée sur un marché, de pleines malles en partance à l’aéroport de Kinshasa, une décharge d’ordures à proximité du minerai éternel, un centre de polissage. Des images qui contrastent, forcément, avec les bureaux d’un joaillier à Paris, une expertise à New York, une autre à Anvers ou les paillettes agitées dans une soirée jet-set à Londres. Il en faut bien pour rigoler aussi.

À vrai dire, pas de surprise dans ce reportage. On s’en doute. Depuis l’exploitation (dont le terme est ici valable dans tous ses sens), ses valets et ses agents, ses échanges, jusqu’à la consommation. Les pauvres d’un côté, marnant âprement, les riches au bout de la chaîne, parés, auréolés, diamantés. Il y a ceux arc-boutés et ceux qui plastronnent. Le reportage, dans la pure tradition du photojournalisme, n’en reste pas moins remarquable.

Culture
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