Une télé de rêve

La 20e édition du Fipa a montré le meilleur de la production pour le petit écran.

Jean-Claude Renard  • 1 février 2007 abonné·es

Courant sur près d’une semaine, à Biarritz, le Festival international de programmes audiovisuels (Fipa) possède son lot de chiffres. Trois cents oeuvres, réparties en différentes sections (fictions, documentaires, séries, reportages). Soit une masse d’images, ouverte au public et aux professionnels, qui viennent précisément ici pour faire leur marché, de quoi remplir les grilles. Au reste, on y observe des oeuvres déjà diffusées ( Poison d’avril , ou encore l’Embrasement et Death of a President , témoignant d’une fiction qui s’empare de l’histoire immédiate). D’autres oeuvres, produites, coproduites ou acquises par les chaînes passeront sur le petit écran. Ainsi, Ejido, la loi du profit , de Jawad Rhalib (Arte), dénonçant les conditions de travail d’un vaste potager sous serre dans la région d’Almeria, en Espagne, où s’entassent 80 000 immigrés surexploités.

Ou encore Le papier ne peut pas envelopper la braise , de Rithy Panh (France 3), un tableau de la misère individuelle à travers une jeune femme qui vend son corps pour « acheter du riz au kilo ». Beaucoup de plans rapprochés. Parce qu’ici la vie en prend plein la gueule. Sans distanciation. Au-delà, c’est bien le portrait d’une société cambodgienne minée par les disparités entre l’Orient et l’Occident. Une plongée en enfer qui ne s’épargne pas de fatalisme. Dès les premières images, on sait où Panh veut emmener son (télé)spectateur. Celui-ci ne sera pas déçu, tout juste écoeuré.

Bel observatoire de la création télé, le Fipa, c’est donc l’occasion de voir du bon, du très bon, affranchi des formatages imposés par les chaînes (qui s’en défendent, forcément). Si rien ne filtre sur les acquisitions, voilà une évidence : parmi les oeuvres présentées, beaucoup risquent de rester confidentielles. C’est tout l’enjeu de Biarritz, une promesse à venir… Comme ces témoignages de prisonniers d’Abou Ghraib, torturés, saisis par Olivia Rousset (dans Abou Ghraib, trilogie ), ponctués d’images et de photographies inédites, particulièrement violentes, et confrontés au discours de leurs bourreaux, de simples soldats encouragés par le Haut Commandement. Comme ces images de Bagdad, a Doctor’s Story , tournées par un médecin iraquien, dans un « hôpital de campagne », épuisé par ses journées à extraire des balles et fragments d’obus meurtrissant les corps. Loin de l’ Esmeralda , somptueux voilier, fierté de l’armée chilienne, lieu de détention et de torture en 1973, remarquablement décrit dans un documentaire de Patricio Henriquez ( le Côté obscur de la Dame Blanche ).
Loin surtout de cette Afrique « rapportée » par Daniel Grandclément. Un premier volet consacré aux milliers de filles sur les côtes du Nigeria, qui « vont à la mer », c’est-à-dire embarquent sur les bateaux de passage gavés de marins, pour se prostituer. Le second, au format guère orthodoxe de 35 minutes, concentré sur les enfants au Ghana, vendus aux pêcheurs pour 40 euros. Ils ont 5 ou 6 ans. Ils ne connaissent pas l’école, travaillent tous les jours, dès quatre heures du matin. L’Organisation internationale pour l’émigration parvient à « racheter » (et à se charger de leur éducation) à peine un quart de ces mômes esclaves. Faute de moyens. Grandclément en a suivi deux. Félix et Joseph. Le premier sera racheté. Quant à Joseph, à l’heure qu’il est, sans doute, il travaille encore.

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