Courrier des lecteurs Politis 947

Politis  • 12 avril 2007 abonné·es

Contradiction

Je suis syndiquée à SUD, militante d’Attac, adhérente aux Verts et à d’autres associations, et mon plus gros ennemi est le nucléaire. Défendre le service public de l’électricité apparaît comme une solution évidente dans votre article intitulé « Toute la lumière sur l’ouverture des marchés » du n° 945 de Politis , comme pour l’Union syndicale Solidaires et Attac, mais je ne peux pas dissocier ce service public de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Cela fait déjà vingt ans que je dénonce l’augmentation de l’utilisation de l’électricité dans notre quotidien. Notre pays est tellement dépendant du nucléaire qu’il m’apparaît impossible d’en sortir en voulant conserver un tarif si loin du coût réel. Le maintien du tarif et de la péréquation sont les principaux arguments des « pronucléaires », qui empêchent les énergies renouvelables de se développer. Mes concitoyens n’ont pas voulu prendre ce problème au sérieux, beaucoup trop d’entre eux se chauffent encore à l’électricité, et seul le tarif les fera un jour changer d’avis.

J’ai donc un problème, me voilà en contradiction ! Je ne crois absolument pas que la concurrence améliore les choses, mais, dans ce cas précis, nous sommes tellement sinistrés qu’il me semble que même la concurrence pourrait être plus efficace en proposant des prix intégrant la réalité des coûts. Imaginez l’un des quatre candidats les plus à droite (PS inclus) au pouvoir en juillet 2007, croyez-vous une seconde qu’il tentera de réduire concrètement la consommation ? Ou de promouvoir les énergies renouvelables ? Je me sens isolée et j’ai donc peur de faire erreur, j’espère que d’autres articles aborderont ce sujet car, ce que j’aime dans Politis , c’est la pluralité d’opinions.

Pascale Sarazin, Beausemblant (Drôme)

École et inégalités

Dans une brève récente de Politis , vous présentiez le livre de Pierre Bergounioux : École : mission accomplie , paru aux éditions Les Prairies ordinaires.

Son analyse de l’école perpétuant les rapports de domination est probablement juste. Mais, ainsi qu’il le dit lui-même, il n’en a pas tiré les conséquences.

Surtout, autre chose pourrait se lire entre les lignes. Pendant ses études à l’École nationale supérieure, Pierre Bergounioux semble avoir parfaitement intégré qu’il appartenait à une élite intellectuelle hors de laquelle il n’y a pas de salut. « La connaissance des fondements de l’oppression est inaccessible à ceux qui les subissent. Les privilégiés qui sont passés par l’enseignement supérieur sont à peu près les seuls capables de comprendre, de s’approprier la vérité cachée du monde social. »

Les autres, s’ils sont ignares, ce n’est surtout pas la faute à cette élite, puisque ce qu’elle dit ne peut même pas être compris par d’autres qu’elle-même. Non, la faute est aux riches, aux hommes politiques, à la société telle qu’elle est organisée… Aux autres, quoi.

N’est-ce pas un peu facile?

Heureusement qu’il y a eu un Célestin Freinet (voir le film diffusé sur France 3 le 29 mars). Lui aussi a constaté que l’école perpétuait les inégalités sociales. Mais, ensuite, il a retroussé ses manches, pour non seulement changer ce qui pouvait être changé, mais aussi entraîner de nombreux enseignants à faire de même.

En 1984, vingt ans après la mort de Freinet, le PEP (Perspectives d’éducation populaire, texte de base de l’ICEM-pédagogie Freinet) affirmait encore que l’éducation est politique et que « seule une société démocratique rejetant le profit, l’exploitation et l’autoritarisme permettra la naissance d’une école populaire où tous les enfants pourront développer leurs potentialités » .

Il dénonçait cet autre mythe tenace de « l’égalité des chances » en montrant combien l’illusion qu’il entretient à dessein sert, en fait, à justifier l’existence d’une école antidémocratique.

Mais voilà : qu’en est-il aujourd’hui de tout cela ? Le livre de Pierre Bergounioux laisse penser qu’en 2006, rien n’a changé…

Que sont donc les « hardis novateurs » devenus ?

Marguerite Bialas, institutrice, Molsheim (Bas-Rhin)

Les gratuits

À la suite de l’article « Les kiosquiers paient pour les gratuits», paru dans Politis n° 940, nous avons reçu la précision suivante.

En charge des relations médias de Metro France, je me permets d’attirer votre attention sur une erreur concernant nos chiffres de diffusion, qui s’élèvent à 880 000 pour la France et à 510 000 à Paris.

Bertrand Cognard, FHCOM pour Metro

Écologie politique

Je suis abonné à Politis et j’attends toujours avec impatience son arrivée dans ma boîte aux lettres. Je suis en général en accord avec ce qui y est écrit. Dans le n° 945 j’ai été désagréablement surpris par ce que j’ai trouvé dans l’entretien avec Nicolas Hulot.

Patrick Piro pose la question suivante : « Pourquoi ne pas appeler à voter pour Dominique Voynet, la seule vraie écologiste du lot ? » Selon lui, José Bové n’est donc pas un vrai écologiste ! Heureusement que, dans le même numéro, Bernard Langlois exprime la réalité : « Qui peut croire à une politique écologique digne de ce nom dans un système soumis au marché ? »

Je pensais que Politis dans son ensemble souscrivait à cette évidence. Le contraire me décevrait. Dominique Voynet avait voté pour le projet de traité constitutionnel européen qui « figeait » la France et l’Europe dans le néolibéralisme. L’écologie politique, c’est José Bové qui l’incarne. J’attends une mise au point.

Jean-Claude Saget, Saint-Arnoult-en-Yvelines

À vrai dire, je ne pense pas que l’auteur de l’article conteste à José Bové sa qualité de « vrai écologiste ». Mais vous découvrez au passage, cher lecteur, qu’il n’y a pas obligatoirement d’unanimité à Politis . Faut-il s’en plaindre ?

D. S.

Sceptique

Il est honnête que les candidats à la présidence de la République fassent état de leurs patrimoines afin que l’élu(e) puisse prouver, à la fin de son mandat, qu’il n’y a pas d’enrichissement illicite.

En revanche, la campagne à l’américaine qui sévit en France laisse un goût d’insatisfaction, où le flou des généralités des propositions le dispute aux attaques plus personnelles. Et chacun semble occulter les obligations européennes auxquelles chaque pays de l’Union est soumis.

Remettons les choses dans l’actualité par un petit rappel de quelques faits les plus importants :

La Stratégie de Lisbonne, signée par Jacques Chirac et Lionel Jospin, donne permission de l’allongement de la durée hebdomadaire du travail et fixe la retraite à 65 ans dans l’Union européenne, malgré un chômage qui perdure ;

Tout en rechignant, et sous la pression populaire, le sommet européen de Nice admet de faire état de la Charte des droits de l’homme, dont personne ne parle ;
En octobre 2004, signature officielle et unanime, à Rome,
du traité de constitution européenne (TCE) ;
­ Lors du congrès de Versailles de 2005, le Parlement rend la Constitution française conforme
à l’adoption du TCE, malgré le « non » des Français en mai et celui des Néerlandais.

Présentement :

Le 16 novembre 2006, le Parlement européen adopte l’application de l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS) de l’OMC, avec une directive Bolkestein à peine retouchée dans sa rédaction ;

­ À la suite, l’Allemagne essaie de réunir une majorité de pays de l’Union pour relancer le TCE ;

­ En France, se pose la question : « Comment diminuer la dette de 1 200 milliards d’euros sans une période d’austérité pour les Français ? »

Et il est à remarquer que, par simple décret, le gouvernement s’apprête à régulariser la culture commerciale du maïs transgénique, alors qu’il se refuse à communiquer à la Commission de Bruxelles la superficie déjà cultivée existante.

Aucun des candidats ne traite à fond ces sujets, qui, pourtant, influent directement sur notre quotidien. Sans parler des obligations envers l’Otan, dont la direction est américaine, qui poussent à l’armement et même à l’augmentation du contingent en Afghanistan.

D’autre part, les énormes intérêts en jeu laissent sceptique sur les promesses de respect de l’environnement et sur l’étude d’une économie au service de tous contre une croissance productiviste qui ne sert que quelques-uns des plus riches.

Toutes ces questions qui relèvent du Conseil de l’Europe, qui nous gouverne en supranational par l’intermédiaire de la Commission de Bruxelles, pourront-elles être résolues par des promesses franco-françaises ?

Il y a là pour les candidats et les électeurs matière à méditer.

M. Paindavoine, Bazarnes (Yonne)

Qu’est-ce qu’il veut, Sarkozy ?

Le pouvoir, bien entendu, mais pour quoi faire ?

Pour vous diviser. […]

Tout comme Reagan aux États-Unis et Thatcher en Angleterre dans les années 1980, Sarkozy est un millionnaire, ami des grosses fortunes et des PDG, qui va détruire la classe moyenne ­ vous, qui avez un travail correctement rémunéré, vous ne vous rendez pas compte que vous êtes dans le collimateur de son projet économique.

Sarkozy sait, comme toute personne riche, qu’il y a des milliards d’euros qui tomberont dans les poches des autres riches une fois abolis le Smic, les services sociaux, l’éducation publique, la couverture équitable de santé, les transports publics, tout ce qui est fondé sur la solidarité.

Il veut que vous ayez peur de votre prochain, que vous convoitiez ce qu’il a, que vous le méprisiez.

Et, sur le plan international, c’est aussi la haine et la peur de « l’autre » qu’il veut voir implantées dans l’esprit des Français. […]

Mais revenons à vous, Français « moyen », peinard, qui avez fait des études et décroché un boulot assez bien payé. Vous avez votre maison, votre bagnole ; si vous tombez malade, ce n’est pas grave, vous êtes assuré. Vous avez des enfants […] et, justement, vos enfants, comment vont-ils se payer leurs études quand l’éducation sera privatisée et que ça coûtera la peau des fesses ? Et que feront-ils, une fois installés dans leur métier ou leur entreprise, lourdement endettés, lorsqu’ils tomberont malades ? Parce que les assurances privées vont coûter quatre fois plus chères que la Sécu (allez voir sur Internet combien ça coûte aux États-Unis), ils seront obligés de fermer boutique ou bien ils seront licenciés ­ il y aura un énorme réservoir de laissés-pour-compte, une main-d’oeuvre corvéable à merci et payée au lance-pierres, pour prendre leur place.

Sarkozy est un disciple de Bush, il veut que la France devienne comme les États-Unis ­ une société divisée : 1 % de la population qui détient la plupart des richesses, une petite classe supérieure pour faire fantasmer les autres : vous, vos enfants, vos amis, qui irez trimer pour des clopinettes, sans services publics, mais avec beaucoup, beaucoup plus de prisons…

William Peterson, Gère-Bélesten (Pyrénées-Atlantiques)

Les Indiens

À propos de l’entrevue avec M. Cholango, publiée dans Politis n° 944, j’aimerais vous dire que je reste toujours très étonné de voir que l’erreur historique et géographique de Cristobal Colon, en 1492, se perpétue par l’utilisation de l’appellation « Indiens ».

Quels Indiens ? Il s’agit peut-être de décoloniser non seulement la démocratie, mais aussi le langage. D’autant plus qu’à l’occasion du Salon du livre on a beaucoup parlé de l’Inde, des Indiens et de la littérature indienne. De plus, en espagnol, le terme « indien » (« indio ») reste péjoratif. Même le terme « Amérindien », à défaut, me paraît peu adéquat, car les peuples indigènes d’Amérique ne peuvent être qu’américains ! Laissons aux Américains le soin de se nommer « Étasuniens » d’Amérique.

Antoine Godel, Barie (Gironde)

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