Les médecins du travail donnent l’alerte

Thierry Brun  • 19 avril 2007 abonné·es

La question de la santé au travail est « escamotée » , estiment les médecins du travail du collectif de Bourg-en-Bresse (Ain), qui ont lancé un appel lors de la présentation de leur rapport 2006 [^2]. Ces praticiens qui mènent depuis treize ans des actions de veille, d’alerte et de témoignage interpellent les candidats à la présidentielle pour « en finir avec le travail dégradé et ses conséquences sur la santé et la cohésion sociale » . La conclusion du rapport est en effet inquiétante : « Nous n’en sommes malheureusement pas au principe de précaution, mais à l’alerte maximale, tant la dégradation est intense, alors que les moyens mis en oeuvre sont dérisoires et inadéquats par rapport aux besoins. »

Le collectif espère attirer l’attention sur cette situation, ignorée tout au long de la campagne. Le rapport évoque « une détérioration physique, mentale et psychique des salariés » , situation dont témoigne la révélation en février de quatre cas de suicide en deux ans parmi les employés de la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire) [^3].

Nombre d’indicateurs confirment depuis plusieurs années cette urgence, affirment quelques spécialistes. L’observation du taux de fréquence des accidents du travail montre en effet une stagnation de 1985 à 1996, et une augmentation depuis 1997. Le nombre des maladies professionnelles, lui, augmente de façon exponentielle depuis vingt ans. L’étude sur les arrêts de travail, menée en octobre 2005 par l’assurance-maladie (Cnam), montre que 18 % des arrêts-maladie sont liés à des troubles psychologiques en relation avec le travail. Mais aucune donnée fiable n’existe encore sur une évaluation de l’ensemble des préjudices occasionnés par le travail.

Le collectif de Bourg-en-Bresse pointe « la situation honteuse de la France, dans le contexte européen pourtant soumis globalement à la mondialisation » et prévient : « Si on ne freine pas les logiques de profit et les logiques gestionnaires excessives, toutes les préventions ne pourront qu’être inefficaces. » Il réclame « des mesures pour rompre ce lien financier direct entre médecine du travail et employeurs, qui paralyse l’action des professionnels de prévention . Les médecins du collectif craignent d’être « condamnés à crier dans le désert » , mais ne veulent pas renoncer.

[^2]: Collectif des médecins du travail de Bourg-en-Bresse, 41, bd Voltaire, 01000 Bourg-en-Bresse, 04 74 21 88 24. L’intégralité des conclusions et de l’appel est sur notre blog www.pour-politis.org

[^3]: Voir Politis n° 943.

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