Un acteur en liberté

Jean-Damien Barbin se rend tous les jours au théâtre du Rond-Point pour y jouer deux pièces l’une après l’autre. C’est un minimum pour un acteur sans doute insuffisamment connu, qui a quelque chose du martin-pêcheur tellement il joue et va vite, prenant le spectateur au piège de dialogues imprévus et de propos distordus. Le premier des spectacles (qui passe à 18 heures 30), il l’a écrit lui-même avec Raphaëlle Misrahi, Je vous quitte, j’ai à faire, en y mêlant des mots de Sophocle, d’Olivier Py, d’Antonin Artaud et de quelques autres. Le tout se concentre sur un thème formidable : les dernières phrases, celles qu’on pourrait formuler au moment de mourir, celles qui ont vraiment été prononcées, celles que les auteurs ont fait dire à leurs personnages agonisants.

Avec un décor d’armoires mobiles et un jeu sur le double opéré avec son propre fils, Sacha, Jean-Damien Barbin mène le spectateur dans un beau tour de passe-passe. Mais la succession de textes suit chaotiquement la ligne annoncée. On assiste à un petit exploit, sans y comprendre grand-chose.

La deuxième pièce, programmée à 21 heures, est moins blagueuse et plus rigoureuse. C’est la transposition du livre de Thierry Illouz, J’ai tout. Un grand numéro de mégalo, semble-t-il. Mais pas entièrement, ce qui donne à cette oeuvre et au spectacle un impact complexe. Un homme se vante d’« avoir tout » et de détenir tous les pouvoirs afin de triompher de l’homme invisible auquel il s’adresse. Dans une gare, il défie son adversaire et l’accable de toute sa puissance verbale. Mais, sous sa carapace, il est en miettes. Qu’est-ce qu’un être humain si la haine a fait disparaître l’amour en lui ? Orienté vers un style à la fois ostentatoire et fragile par Jean-Michel Ribes, Jean-Damien Barbin est à la fois l’arc et la flèche. C’est, de toute façon, un bonheur de voir cet acteur en liberté.

Je vous quitte, j’ai à faire et J’ai tout, théâtre du Rond-Point, Paris. Tél. : 08 92 70 16 03. Jusqu’au 28 avril.