Autopsie

Christophe Kantcheff  • 17 mai 2007 abonné·es

Il n’y a pas loin du regard noir que porte Alain Tanner sur la situation du cinéma aujourd’hui à l’avis de décès que dresse le critique Pascal Mérigeau dans un petit livre en colère, Cinéma : Autopsie d’un meurtre . Un titre exagéré ? Certes, il faut toujours se méfier des annonces de « mort » de tel ou tel art. Mais, si le livre de Pascal Mérigeau se présente comme un pamphlet, les arguments qu’il développe n’ont rien d’outrancier. Les difficultés éprouvantes rencontrées par les cinéastes, les vrais, pour monter leurs films en attestent chaque jour.

Pour Mérigeau, la dévitalisation du cinéma se jauge au fait que les films ambitieux, en cas de succès, ne rassemblent plus aujourd’hui que quelques centaines de milliers de spectateurs, alors que certains en drainaient deux, voire trois millions il y a vingt ans. La mercantilisation du cinéma en est selon lui une des grandes raisons. Il date ainsi de 1975 le commencement d’une nouvelle ère, avec le lancement des Dents de la mer , premier film à bénéficier d’une puissante batterie promotionnelle. Autre facteur d’explication : le fait que le cinéma se soit « vendu » à la télévision, plus soucieuse de la vente de produits que de leur fabrication. « Le cinéma a cessé d’être une industrie pour n’être plus qu’un commerce » , écrit Pascal Mérigeau. Financeurs et décideurs ont instauré leurs « dictatures » : celles de l’émotion et de la rigolade, et celle du grand nombre, imposée au nom du goût supposé du public.

Le système de production, l’esthétique des films, leur diffusion, tout en est atteint, provoque l’uniformisation et réclame un consensus obligatoire. Le cinéma est-il vraiment mort ? L’énergie dont fait preuve ici Pascal Mérigeau, et qui témoigne de son amour encore vivant du cinéma, rejoint en tout cas les forces prêtes à le ressusciter.

Culture
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