Merci Jospin !

Michel Soudais  • 31 mai 2007 abonné·es

À quelques jours du scrutin des 10 et 17 juin, on mesure davantage encore qu’en 2002 combien l’inversion du calendrier électoral, voulue par Lionel Jospin, enlève tout suspense aux élections législatives. Après avoir ramené de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel, on se souvient que le Premier ministre socialiste avait estimé conforme à l’esprit des institutions de procéder àl’élection des députés, une fois désigné le président de la République. L’un des effets pervers de cet ordre électoral juste ­ selon les critères de la Ve République qui privilégient l’efficacité de l’exécutif ­ est de transformer les législatives en un simple scrutin de confirmation. Une sorte de troisième tour de la présidentielle.

Dans cette pièce, au dénouement quasi certain, chaque camp joue le rôle qui lui a été attribué par le résultat du second tour de l’élection présidentielle. Celui du parti du président de la République nouvellement élu consiste à réclamer des électeurs une majorité parlementaire assez large pour mettre en oeuvre le projet sur lequel le chef de l’État vient d’être élu. Ce qu’a résumé parfaitement François Fillon : « L’élection présidentielle nous a donné un mandat qui n’est pas contestable » , a estimé le Premier ministre, lors d’un meeting à Marseille, le 23 mai. Mais, pour le mettre en pratique, « il faut passer l’étape des législatives. Car sans majorité à l’Assemblée nationale, rien […] ne pourra être réalisé » . Faute d’avoir cette majorité, a-t-il précisé, samedi, dans sa circonscription sarthoise, « aujourd’hui, le gouvernement peut gérer les affaires courantes, mais pas engager les réformes » .

Une fois celle-ci élue, tout ira très vite. Et le gouvernement n’a pas caché quel serait son programme au cours de la session parlementaire extraordinaire qu’il entend tenir jusqu’au 10 août. Sa porte-parole, Christine Albanel, a annoncé, à l’issue du premier Conseil des ministres ordinaire, que cinq projets de loi seraient à l’ordre du jour du Parlement après les législatives. Si deux d’entre eux, le règlement du budget 2006 et la création d’une délégation parlementaire au renseignement, ont une portée relativement restreinte, ce n’est pas le cas du texte sur le traitement pénal des mineurs récidivistes. Ce dernier instaurera des peines planchers pour les multirécidivistes et fixera la majorité pénale à 16 ans, a indiqué François Fillon, qui entend faire de la sécurité des Français « la première » des « trois priorités immédiates » du gouvernement.

Les deux autres priorités du gouvernement, qui donneront lieu aux deux autres projets de loi annoncés, sont la « réhabilitation du travail, avec immédiatement la libération des heures supplémentaires, détaxées et déchargées » et « une révolution fiscale avec deux mesures d’application immédiate » : la suppression des droits de succession « pour 95 % des Français sauf les plus grandes fortunes » et la déduction de l’impôt sur le revenu des intérêts d’emprunts pour financer l’achat de son logement. Mais le Premier ministre a également annoncé qu’une loi sur l’autonomie des universités, la réforme « peut-être la plus importante » de la législature, serait votée « au mois de juillet » . Ainsi qu’une énième loi sur l’immigration qui, après les deux textes présentés lors de la législature précédente par Nicolas Sarkozy, devrait durcir encore un peu plus les conditions d’entrée et de séjour des étrangers. Enfin, dans les mêmes délais, c’est par la voie réglementaire que doit être mis en oeuvre le plan sur l’emploi des jeunes dans les banlieues, et que devrait être finalisée la fusion GDF-Suez.

Face à ce programme d’action très planifié, la gauche apparaît désarmée. Elle ne peut trop ouvertement critiquer ces projets, puisque ceux-ci sont réputés avoir été approuvés, il n’y a pas un mois, avec l’élection du candidat qui les portait. Pour s’y être risqué en suggérant que les électeurs avaient été abusés, le communiste Patrick Braouezec s’est fait sèchement rabrouer par Patrick Devedjian, dimanche : « Vous considérez que 53 % des Français sont des imbéciles ? » , s’enquit aussitôt le secrétaire général de l’UMP. Elle ne peut pas plus défendre vraiment un programme alternatif puisque précisément ceux que proposaient ses candidats n’ont pas été retenus par les électeurs. D’où le bricolage programmatique auquel s’est livré le PS au lendemain du 6 mai, afin de ne pas donner l’impression de resservir le pacte présidentiel de sa candidate. Ainsi coincée, la gauche ne peut jouer que sur la défensive. En ruminant sur cette situation qu’elle doit au calendrier de Lionel Jospin.

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