L’âge ne fait pas la rénovation

Défait, le parti socialiste se cherche de nouvelles têtes pour un avenir à repenser. Mais l’ascension de quelques quadras, dont l’avenir semblait bouché, n’est pas forcément gage de renouvellement.

Michel Soudais  • 19 juillet 2007 abonné·es

Le bestiaire socialiste s’enrichit. Après les éléphants, dont le règne aurait été contesté par une gazelle, l’heure serait aux « jeunes lions rugissants » ­ l’autoportrait est d’Arnaud Montebourg ­ plus gourmands de pachydermes que d’antilopes. Ceux-là doivent d’ailleurs se retrouver ce vendredi 20 juillet à Évry, autour de Manuel Valls, pour lancer sans attendre « une transformation profonde du parti » . Mais ce groupe de quadras formé par des élus déjà installés, comme les députés Gaëtan Gorce, Christian Paul, Patrick Bloche, Christophe Caresche ou le maire de Bondy, Gilbert Roger, n’est pas le seul à pouvoir incarner le renouvellement. Depuis le second tour des législatives, d’autres, moins âgés, font irruption sur la scène socialiste. Que ce soit pour combler un vide, changer l’image d’un parti trop figé ou parce qu’ils auraient une mission à accomplir, les jeunes socialistes ont le vent en poupe.

Le départ de Dominique Strauss-Kahn pour le FMI, la prise de distance de Laurent Fabius ou la démission de Jack Lang des instances dirigeantes du PS créent un appel d’air où s’engouffrent déjà Laurent Baumel, 41 ans, responsable national aux études depuis 2003 et chantre d’une rénovation social-libérale, et Guillaume Bachelay, 32 ans, un fabiusien pressenti pour remplacer son mentor au bureau national. Ces deux-là ont lancé avec deux complices, Alexis Dalem (fabiusien) et François Kalfon (strauss-kahnien), gagner-2012.net, un « site de confrontation » destiné à « lancer le débat de la reconstruction de la gauche entre des socialistes de sensibilités diverses représentant une nouvelle génération » .

Illustration - L’âge ne fait pas la rénovation


Razzye Hammadi au siège du PS, lors de la soirée électorale du 17 juin.
M. Soudais

Lors des soirées électorales, le contraste entre les nouvelles figures de l’UMP, promues par Nicolas Sarkozy, et les inamovibles ténors du PS n’était pas en faveur de ce dernier. Sitôt élues au Palais Bourbon, Aurélie Filippetti et Sandrine Mazetier ont été promues. À 33 ans, la première, transfuge des Verts qui avait rejoint l’équipe de campagne de Ségolène Royal, est l’une des deux porte-parole du groupe socialiste. Rendue visible pour avoir affronté Arno Klarsfeld, la seconde est, à 40 ans, l’une de ses vice-présidentes en charge de l’éducation. Entre la présidentielle et les législatives, François Hollande avait déjà fait appel à Benoît Hamon, député européen de 40 ans, pour tenir les points de presse du PS.

La démarche du Premier secrétaire n’est pas pour surprendre. « L’un des enjeux des prochaines échéances électorales, c’est évidemment le renouvellement et le rajeunissement. Il faut un saut de génération » , écrivait-il l’an dernier dans Devoirs de vérité (Stock). « Il faut que la nouvelle génération prenne en main la rénovation » , renchérissait début juillet Dominique Strauss-Kahn, sur Europe 1. Cette ambition était précisément celle que s’assignait le Nouveau Parti socialiste (NPS), un courant à forte dimension générationnelle, créé en 2002 sur les décombres de la défaite de Lionel Jospin, par Julien Dray ­qui l’a vite quitté­, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ­ses animateurs les plus connus ­, mais aussi Benoît Hamon.

Cet ancien président du MJS, qui contrairement à ses anciens amis n’a pas fait allégeance à Mme Royal, fait de cette expérience un bilan critique : « Nous dénoncions la présidentialisation de la vie politique française et du PS, et une forme de pipolisation. Et finalement nous avons sombré peut-être même avant d’autres sur cet écueil. » Benoît Hamon, qui s’apprête à lancer « La Forge », une association sur le modèle des think-tanks anglo-saxons, ouverte à des universitaires, des hauts fonctionnaires et des praticiens (politiques, syndicalistes) de toute la gauche, et destinée à « participer à l’émergence d’un discours critique mais aussi à l’arsenal de ce que doivent être les réponses de la gauche » , en tire la leçon « qu’il ne faut pas sous-estimer le contexte et le décor dans lequel on fait de la politique » .

« Remplacer trois quinquas par trois quadras n’a jamais fait une rénovation » , met en garde Razzye Hammadi. L’actuel président du MJS, 28 ans au compteur, s’est fait plus présent dans les médias, lui aussi. Et pas seulement depuis la défaite de Ségolène Royal, qui n’avait pas sa préférence. Mais ce Toulonnais, adhérent depuis 1998, qui a fait ses classes militantes dans une association antiraciste et à l’Unef, se méfie du discours sur le nécessaire renouvellement du PS, surtout quand cet « appel à la rénovation » est porté « à la fois par l’éditorialiste du Monde et des députés de droite » . Partisan d’une « mixité sociale et générationnelle » à la tête du PS, il perçoit le discours sur le renouvellement comme « un piège » qui « éloigne des vrais débats ».

Les rénovateurs autoproclamés ne sont d’ailleurs pas les derniers à mettre leur pas dans ceux de leurs aînés. En se déclarant partisan d’un « big-bang intellectuel » du PS, Manuel Valls renoue mot pour mot avec l’ambition de Michel Rocard au lendemain de la défaite électorale de… 1993.

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