Un expert

Denis Sieffert  • 22 novembre 2007 abonné·es

Depuis dix ans qu’il fréquente les plateaux télé, Frédéric Encel a la fâcheuse habitude de se pousser du col. En 1996 déjà, dans l’Express , il se disait « professeur » quand il n’était que « doctorant ». Aujourd’hui, il se présente volontiers comme « professeur à l’ENA » et à l’Institut d’études politiques de Rennes sans en avoir les titres. Ce qui lui permet, avec ­ il faut bien le dire ­ la complicité de certains médias, d’apparaître comme un expert évidemment neutre, spécialiste patenté du conflit israélo-palestinien. Mais « l’expert », ancien proche du Betar (mouvement d’extrême droite sioniste), colle toujours au plus près de la communication de la droite israélienne, et ne manque pas, dans ses « conférences », de citer Jabotinsky, le père idéologique du Likoud. Il tient chronique sur Radio Communauté juive, et figure parmi les membres du très droitier Observatoire du monde juif, de Shmuel Trigano. Il est aussi l’expert quasiment attitré de notre chaîne de télévision parlementaire (LCP). En toute innocence, il attise les peurs contre le droit au retour des Palestiniens ou exacerbe discrètement les tensions contre l’Iran. Mais il lui arrive de tomber sur un os.

En septembre 2005, lors des Rendez-vous de l’Histoire, de Blois, l’historienne Esther Benbassa avait dénoncé publiquement l’usurpateur qui excipait de titres qu’il n’avait pas. Et dernièrement, il s’est pris cette volée de bois vert de la part du professeur en science politique Jean-Paul Chagnollaud, membre du jury qui devait lui remettre une « habilitation à diriger des recherches » (HDR) : « Vous dites qu’il existe des tensions très fortes dans la société israélienne, mais vous omettez 20 % de sa population : les Arabes israéliens » ; « Vous faites un état des armes israéliennes, mais vous omettez de parler des missiles » ; « Vous oubliez le droit international. » Rien que ça ! « La géopolitique semble être un moyen pour cacher des choses » , a conclu sans ambages Jean-Paul Chagnollaud. Ce qui n’a pas empêché Encel d’obtenir son HDR. Il est vrai que le nouvel impétrant avait dans le jury un allié de poids en la personne d’Elie Barnavi. Celui-ci lui a rendu ce vibrant hommage : « Vous avez pris ce parti pris de ne pas prendre de parti pris. » Il n’est pas sûr hélas que ce brevet d’objectivité décerné par l’ancien ambassadeur d’Israël améliore la réputation de cet étrange expert.

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