Les prud’hommes en danger

Jean-Baptiste Quiot  • 28 février 2008 abonné·es

En pleine campagne municipale, la nouvelle carte judiciaire, publiée au journal officiel le 17 février, est contestée par les maires. Mais c’est la suppression des conseils de prud’hommes qui fait le plus de bruit. En effet, 63 conseils devraient fermer leurs portes dès le 31décembre. Que ce soit à Étampes (Essonne) ou à Givors (Rhône), les acteurs locaux se battent contre la disparition de ce service public. Par ailleurs, un collectif de 42 maires, créé sous l’impulsion du maire PCF de Givors, envisage une manifestation nationale, face au refus du ministre du Travail, Xavier Bertrand, de les recevoir.

Ce n’est pas un hasard si ces maires préfèrent s’adresser au ministre du Travail plutôt qu’à celui de la Justice. La disparition des conseils de prud’hommes met en effet en lumière une attaque sociale de grande ampleur contre une institution qui protège les droits des travailleurs. Car, à la réforme de la carte judicaire s’ajoutent les nouvelles dispositions validées par l’accord interprofessionnel du 11janvier sur la modernisation du marché du travail. «Quand 70% des salariés gagnent leur procès, l’incertitude reste grande pour l’employeur. C’est pourquoi le Medef veut davantage de sécurité juridique», explique Patrick Le Rolland, conseiller prud’homal.

Plusieurs points de cet accord rendent plus difficile le recours des salariés devant l’institution. Avec le retour «du reçu pour solde de tout compte» , pourtant supprimé en 2002, le salarié aura sixmois après sa signature pour en dénoncer le contenu, sous peine de forclusion. L’employeur, lui, peut se prévaloir d’un délai de prescription de cinqans dans l’hypothèse d’un trop-versé au salarié.

Par ailleurs, la rupture de contrat «à l’amiable» pourra se faire sans notification préalable de licenciement.

«Le risque est de voir un salarié s’entendre dire: tu es viré, tu n’as le droit à rien, si tu veux quelque chose, signe là!» , explique Patrick Le Rolland. D’autre part, l’employé n’aura que quinzejours pour se rétracter. Et surtout, ce licenciement par convention permet de sauter la case prud’hommes. L’homologation du directeur départemental du travail suffira à l’avaliser. Et là tout recours sera définitivement impossible puisqu’un juge civil n’est pas compétent pour se prononcer sur une décision administrative donnée par l’inspection du travail.

Enfin, «la réhabilitation prud’homale» obligera le salarié à adresser à l’employeur l’objet de sa réclamation avant toute saisine.

Temps de lecture : 2 minutes