Sang d’hier, violence d’aujourd’hui

Un bel « Edouard II », tragédie élisabéthaine mise en scène
par Anne-Laure Liégeois.

Gilles Costaz  • 28 février 2008 abonné·es

Directrice du Festin à Montluçon, Anne-Laure Liégeois s’est plutôt fait connaître par des spectacles insolites, aux actions simultanées : Embouteillages , où quarante courtes pièces se déroulaient dans quarante automobiles à l’arrêt ; Ça , où le spectateur passait d’une cabine très intime à une autre. Derrière la drôlerie, il y avait une provocation, un sens de la dureté du monde, mais on n’attendait pas ce metteur en scène sur le terrain de la tragédie élisabéthaine. Elle vient de monter pourtant Edouard II, de Christopher Marlowe, qu’on a pu voir au Théâtre 71 de Malakoff et qui effectue une courte tournée. Elle y affirme un art d’une grande rigueur, un fort sens de l’esthétique hallucinée, dans un spectacle dont elle a assuré aussi la traduction (avec Nibel Gearing) et la scénographie.

Edouard II, c’est l’histoire de ce roi marié et homosexuel, qui sacrifie tout à sa passion pour son amant. Son entourage veut écarter l’amant qui, par ailleurs, n’est pas un modèle de loyauté. La solution la plus définitive consistera à assassiner l’inverti. Comme l’appétit du sang n’est jamais satisfait, les conflits suivants amèneront à l’élimination du roi, empalé pour qu’il meure par où il a péché. Les acteurs déboulent sur un plan incliné ou apparaissent subitement sur une ligne d’horizon. Les hommes, cravatés, ne sont d’aucun temps, ils sont d’une sauvagerie éternelle jamais portée au machiavélisme, simplement naturelle, instinctive. Les meurtres se déroulent sans débauches de gestes, mais la soirée devient, néanmoins, de plus en plus violente.

Claude Duparfait incarne un roi sans démesure, d’une dangereuse banalité. Nils Ohlund est un amant ambigu drapé dans la gentillesse. Olivier Constant, Flore Lefebvre des Noëttes, Renaud Dehesdin, Anne Girouard sont, notamment, les autres interprètes d’une troupe dont on aime l’extraordinaire jeu d’ensemble.

Culture
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