Sauver les bastions

Le PCF, qui paraît davantage menacé par le PS que
par la droite, joue le maintien de son influence.
Au prix de quelques accommodements.

Michel Soudais  • 28 février 2008 abonné·es

Si, pour chaque formation politique, l’enjeu des élections du 9 et du 16 mars consiste à préserver ses positions et à tenter d’en conquérir de nouvelles, l’objectif du PCF est principalement défensif. Aux municipales comme aux cantonales, le parti de Marie-George Buffet joue cette fois encore le maintien de son influence. Depuis trente ans, celle-ci est en recul. Et ce recul semble bien difficile à enrayer. Selon le PCF, qui revendique près de 13 000 élus locaux, 806 villes sont gérées par des maires communistes ou apparentés. Une statistique qui mêle villes et bourgs.

Au lendemain des élections municipales de 1977, 72 villes de plus de 30 000 habitants étaient à direction communiste. Depuis 2001, le PCF n’en gère plus que 31. On se souvient que, de tous les partis de la gauche plurielle, le parti communiste avait enregistré les plus lourdes pertes : Nîmes, la seule ville de plus de 100 000 habitants qu’il détenait, Argenteuil (95 000 habitants), Colombes (77 000 habitants), Drancy, Tarbes, Dieppe, Evreux, La Ciotat, Sète, La Seyne-sur-Mer, Montluçon, gagnées par la droite ; Trappes et Pantin, passées au PS. En regard, le PCF n’avait gagné que deux villes : Sevran et Arles. Comparé à 2001, le cru 2008 a peu de chances d’être aussi négatif.

Cette année, le PCF est moins menacé par la droite que par le PS. Dans une quinzaine de villes de plus de 20 000 habitants, une primaire opposera les deux partis. Onze dans des communes gérées par le PCF ! Dont plus de la moitié dans des villes de Seine-Saint-Denis (Aubervilliers, Bagnolet, La Courneuve, Pierrefitte, Saint-Denis, Tremblay-en-France), emblématiques du communisme municipal, sur lequel le PCF a longtemps assis son influence. Ce qui est aussi le cas de Vitry (Val-de-Marne), les autres primaires se déroulant à Fontaine et Saint-Martin-d’Hères (Isère), Denain (Nord) et Vaulx-en-Velin (Rhône). Le PS justifie son appétit par l’effondrement des scores électoraux du PCF depuis 2001 et les bons résultats de ses candidats. Plus que jamais, le PCF mise sur sa gestion locale et l’attachement des électeurs à l’union pour espérer résister.

Mais s’il a bon espoir de gagner de nouvelles positions à Vierzon (Cher), Romilly-sur-Seine (Aube), Saint-Claude (Jura), Dieppe et Le Havre (Seine-Maritime), seules ces deux dernières comptent plus de 30 000 habitants. À Dieppe, où le maire sortant Édouard Leveau (CNI), battu aux législatives, ne se représente pas et n’a pas apporté son soutien à la liste UMP en raison de désaccords sur la gestion municipale, le conseiller général PCF Sébastien Jumel, 36 ans, qui conduit une liste d’union de la gauche, a de bonnes chances de reprendre la mairie. Au Havre (190 000 habitants), où la gauche est divisée pour la première fois depuis 1965, le député communiste Daniel Paul, à la tête d’une liste « représentative du monde du travail » , aura plus de difficulté à reconquérir le port perdu en 1995.

L’autre grande bataille se joue aux cantonales. Avec 242 conseillers généraux, le PCF rappelle volontiers son poids dans les départements. Mais il aura bien du mal à conserver les deux départements qu’il détient. Sur les 24 cantons renouvelables du Val-de-Marne, l’un de ses bastions depuis plus de 30 ans, six sont communistes, et le PCF peut espérer ravir quatre cantons à la droite. La situation est nettement plus délicate en Seine-Saint-Denis, où le PS entend ravir le conseil général pour, selon l’expression polémique du socialiste Claude Bartolone, « faire entrer » ce département « dans le XXI e siècle » . Sur les vingt cantons à renouveler en mars, onze sont communistes. Et il suffit que les socialistes en gagnent un pour faire basculer l’assemblée départementale dans le giron PS-Verts.

Menacé dans ses bastions et sans réelles perspectives de conquêtes, le PCF a tout fait pour participer au plus grand nombre possible de listes d’union de la gauche. Histoire de préserver ses élus et son implantation. Quitte aussi à accepter de figurer sur des listes conduites par le PS aux côtés de représentants du MoDem. Comme le dit joliment Marie-George Buffet, tout rapprochement du PS avec le Modem est « une erreur » , mais pour autant elle « n’appelle pas à déserter le terrain » .

Politique
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