Parutions/Mai 68

Olivier Doubre  • 15 mai 2008 abonné·es

Les précédents anniversaires de Mai 68 avaient vu la publication de nombre de témoignages personnels d’acteurs et d’essais consacrés à l’événement (des plus laudateurs aux plus négatifs). Mais, au final, les livres d’historiens en tant que tels sur 68 n’étaient pas si nombreux. Cette fois, plusieurs équipes se sont attelées à produire des ouvrages d’ensemble sur le « joli mois de mai » lui-même – la formule est du préfet de police de Paris de l’époque, Maurice Grimaud – et, plus largement, sur la période autour de l’événement. Outre le très complet Mai-Juin 68 paru aux éditions de l’Atelier, sous la direction de Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti et Bernard Pudal (cf. Politis n° 1000, 30 avril 2008), deux autres imposantes publications collectives, de grande qualité, viennent de paraître à l’occasion de ces 40 ans.

Un premier volume est l’œuvre d’un groupe de chercheurs rassemblés par la petite maison d’édition engagée Syllepse, où figurent certains contributeurs au dossier de la revue Contretemps (cf. ci-contre). Proches de la LCR pour certains d’entre eux – ce n’est pas un secret –, on retrouve dans cette équipe le philosophe Daniel Bensaïd, l’économiste Michel Husson, les sociologues ou politistes Lilian Mathieu, Pierre Cours-Salies, Aïssa Kadri, René Mouriaux ou Gérard Mauger, et plusieurs spécialistes des mouvements à l’étranger, notamment l’ancien dirigeant de l’aile gauche de Solidarnosc en Pologne, Zbigniew Kowalewski. Pour faciliter l’accès à cette somme très complète de connaissances, ses concepteurs ont choisi la forme du dictionnaire, avec l’ambition « d’éclairer la longue décennie 1967-1981, au cours de laquelle, selon une expression empruntée à Adolfo Gilly, le monde a cheminé “aux frontières de la rupture” » . Ce projet collectif contribue également au site Internet www.mai-68.org, auquel participe Politis

Autre démarche, le livre publié à La Découverte sous la direction des historiens Philippe Artières et de Michelle Zancarini-Fournel se donne pour mission de réaliser un « tableau » des événements de mai-juin 68 « en les inscrivant dans une séquence historique longue (1962-1981) » et, surtout, en sortant « du flot interprétatif » dont 68 est l’objet depuis des décennies. Doté d’un cahier de superbes photos (jamais publiées) des correspondants-photographes anonymes de l’Humanité , l’ouvrage se veut un éclairage à plusieurs mains sur cette période étendue (où l’événement 68 apparaît tel un pivot), divisée en plusieurs séquences donnant chacune à voir « un paysage différent » .

Les deux ouvrages, complémentaires par leurs approches diverses, œuvrent brillamment au renouvellement de l’histoire de ces années de contestation tous azimuts.

Idées
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