Otan emporte l’UE

La réduction des effectifs militaires français participe à la volonté du Président d’opérer un retour de la France dans l’Otan.

Michel Soudais  • 26 juin 2008 abonné·es

Nicolas Sarkozy affirme vouloir relancer la défense européenne et annonce une réduction considérable (54~000~hommes sur un total de 320~000) des effectifs des armées françaises. Incohérence ? Le paradoxe n’est qu’apparent. D’ailleurs, le site Internet de Matignon vend la mèche : «La France souhaiterait conclure le processus de retour de la France dans l’Otan à l’issue de la présidence française de l’Union européenne, fin 2008. Un rapprochement qui, pour le chef de l’État, devra s’accompagner de progrès sur la politique de défense européenne.»

Les trois objectifs assignés par le gouvernement au développement de l’Europe de la défense — accélérer les efforts de standardisation et d’interopérabilité des équipements militaires, renforcer le marché intérieur en matière d’équipement et disposer d’une capacité européenne de déploiement et de planification plus importante — ne constituent qu’un écran de fumée destiné à masquer le but ultime de la manœuvre : empêcher toute indépendance politique européenne. Car, en diminuant les capacités opérationnelles de la seule armée européenne capable de peser de façon indépendante sur le cours des conflits, Nicolas Sarkozy affaiblit la capacité militaire de l’UE, bientôt contrainte de se ranger derrière Washington et son bras armé.

Entre la défense européenne et l’Otan, expliquait récemment Bernard Kouchner [^2], «il n’y a pas compétition, mais au contraire complémentarité». Pour nos élites, le lien transatlantique est aussi indépassable que le marché. Quand un Édouard Balladur se prononce Pour une Union occidentale entre l’Europe et les États-Unis (Fayard), la Commission européenne travaille à imposer la réalisation d’un «grand marché transatlantique».

Pas étonnant que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui présente une nouvelle doctrine de défense de la France voisine de celle de Washington, et annonce son retour dans le commandement intégré de l’Otan, ait été salué au plus haut niveau européen. «Très complet, très moderne, ce livre très européen comporte beaucoup de suggestions, beaucoup d’initiatives que nous pourrons mettre en œuvre au niveau européen», estime le diplomate en chef de l’UE, Javier Solana, qui fut secrétaire général de… l’Otan.

[^2]: Le Monde, 11mars.

Société
Temps de lecture : 2 minutes