« Le système Sarkozy est incompatible avec l’écologie »

Alors que les députés s’apprêtent à examiner la loi « Grenelle I »,
Marie-Christine Blandin* estime que le rassemblement des écologistes derrière Cohn-Bendit constitue une réponse encourageante à la faiblesse des propositions.

Patrick Piro  • 2 octobre 2008 abonné·es

Peut-on faire un autre constat que celui de
l’échec du Grenelle ?

Marie-Christine Blandin : En tant que citoyenne, je considère qu’il était urgent de faire quelque chose, et je suis évidemment déçue par les maigres résultats du Grenelle aujourd’hui. Mais en tant que Verte, militante de gauche, je savais qu’un gouvernement libéral et capitaliste n’inaugurerait pas une écologie de rupture. Nous avons donc droit à une écologie d’accompagnement. C’est la « croissance verte » du ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo. Cependant, j’estime que la phase de concertation qui a mené aux conclusions du Grenelle, en octobre 2007, a été un excellent processus, démocratique et ambitieux.
Hélas, juste après, on a eu droit à l’arbitraire. D’abord, le discours de Nicolas Sarkozy, qui décide seul, puis la cuisine ministérielle. Des propositions ont été minorées, d’autres ont disparu. Certaines, même, ont surgi, comme cette mesure en faveur de la recherche aéronautique ! Des lobbies s’invitent pour venir glisser leur petit papier au bon endroit. Ce qui a pris le dessus, à l’heure d’entrer dans le concret, ce sont les mesures sur l’énergie, le bâtiment, le transport… Ce sont des infrastructures à construire, des équipements à installer, etc. C’est-à-dire là où l’on peut faire de l’argent. On trouve donc facilement l’appui des entreprises. En revanche, du côté de l’érosion de la biodiversité ou de la prolifération des pollutions chimiques, d’un seul coup, personne ne sait comment s’y prendre. Bien que nous ayons formulé des propositions ambitieuses. Car, pour cela, il faudrait s’opposer aux lobbies, et ça ne rapporte rien.
Un exemple : où en est-on du statut des lanceurs d’alerte ? Au milieu des 238 mesures de Borloo, on ne retrouve que le projet d’aller en parler aux instances paritaires !

Illustration - « Le système Sarkozy est incompatible avec l’écologie »


Marie-Christine Blandin, sénatrice verte.
Lo Presti/AFP

Les écotaxes de Jean-Louis Borloo ont été renvoyées en commission. Le coup de grâce ?

Je mesure, dans les couloirs des institutions ou dans les médias, que les troupes de droite sont désormais prêtes à ruer dans les brancards à chaque occasion. On tend le micro à des petits clones de Claude Allègre qui aboient que l’écologie, c’est de la foutaise, qu’il faut choisir entre le climat et le pouvoir d’achat, etc. J’entends Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, fustiger l’obscurantisme qui met la science en péril, et déclarer qu’il ne fallait prendre que la bonne part du Grenelle.
Nous voyons bien que les mesures vont débouler en pleine angoisse de la société face aux menaces sur le pouvoir d’achat. On va donc remiser les avancées qui gênent, faisant croire aux gens que c’est pour leur bien. Et certainement oublier la taxe carbone, le plus puissant des leviers fiscaux susceptibles de limiter les émissions de gaz carbonique de l’économie. On tentera quand même de placer quelques bouts de taxes par-ci, par-là, mais rien n’indique que les députés les laisseront passer. Il suffit de voir comment la droite conteste le bonus-malus automobile, qui a pourtant montré sa pertinence, et comment Bercy a fait croire que c’était une taxe. On en restera donc à des mesurettes anecdotiques.

Nicolas Sarkozy, il y a huit jours à Toulon, a pourtant juré que l’on fera « tout le Grenelle », malgré la crise…

Je crois qu’il faudra réécouter son beau discours de clôture du Grenelle, l’an dernier, avec les mêmes écouteurs qui nous ont servi à décrypter sa charge « de gauche » contre les responsables de la crise financière, à New York la semaine dernière. Il serait plus crédible si, dans la foulée, il n’allait sabler le champagne avec ses amis enrichis par la spéculation ! Le système Sarkozy, par les liens personnels qu’il entretient avec l’industrie et les lobbies, est incompatible avec l’écologie.

Le Grenelle va quand même tenter de poursuivre sa route. Quelle sera votre position ?

Ce n’est pas mon écologie à moi, c’est bien clair. Mais je pousserai de toutes mes forces pour gratter ce qui pourra être gratté. Je suis sceptique mais pas sectaire.


Le rassemblement des écologistes derrière Dany Cohn-Bendit pour les européennes de 2009 est-il une bonne réponse à la demande d’écologie politique de la société ?

Ce regroupement est un peu le bébé du processus de Grenelle, une conséquence pratique devant la preuve, par les faits réels, de l’incompatibilité de l’écologie avec le système Sarkozy. Qui, après avoir semé le désordre au Front national, au parti socialiste, au centre, etc., espérait faire de même avec les Verts. Cette grande alliance écologiste qui se dessine entre les politiques et les associatifs, c’est un dégât collatéral pour Sarkozy et un très grand espoir pour tous.

Avez-vous été sollicitée pour participer à ce rassemblement ?

Oui, mais je ne souhaite pas apparaître en première ligne. Je suis en revanche disponible pour travailler aux propositions d’un programme ambitieux, de gauche, mais plus loin, même, au-delà des affichages traditionnels droite-gauche.

Écologie
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