Le séducteur philosophe

Le « Dom Juan » de Molière subtilement cerné par Jean-Marie Villégier, et fort bien joué.

Gilles Costaz  • 13 novembre 2008 abonné·es

Le plus souvent parti à la poursuite des ­chefs-d’œuvre oubliés par la postérité, Jean-Marie Villégier monte parfois des œuvres plus familières – le système public et économique haïssant l’inconnu. Aujourd’hui, il met en scène le Dom Juan de Molière, un spectacle qu’il a déjà présenté aux Nuits de la bâtie d’Urfé et qui, en banlieue parisienne, passe de l’Apostrophe de Cergy-Pontoise au TOP de Boulogne. Et c’est, sans effets fracassants, une leçon de plaisir et d’intelligence.
Le décor de Jean-Marie Abplanalp évoque une grosse maison bourgeoise ou un palais, dont le ­lustre et l’élégance se sont effacés au fil du temps. Tout se passe là : les scènes d’intérieur, l’acte au bord de la mer, la fin provoquée par la statue du Commandeur. Tout se joue dans un contexte dont on a enlevé la dorure physique et mentale. C’est une chevauchée un peu crottée, Dom Juan . Donner trop d’élégance à ce monde et à ces gens, c’est s’attacher aux faux-semblants. Ce n’est pas pour autant tomber dans le prosaïsme. Mais Molière met en scène autant le peuple que les nobles, et les nobles n’ont pas plus d’éclat que les paysans rencontrés par le « grand seigneur méchant homme ».
Éric Verdin confère une belle étrangeté à Don Juan : il est sec, impassible, l’esprit lointain, plus philosophique que sensuel. Dans le rôle de Sganarelle, Christophe Guillon réussit une remarquable composition : ce serviteur n’est pas un valet de comédie mais l’un de ces importuns, bavards, encombrants, mal éduqués qu’on ne peut s’empêcher d’aimer car ils ont leur vérité sociale et leur forme de pureté. Sandrine Bonjean, Villégier lui-même, Nathalie Stas, Jean-Charles Di Zazzo et Emmnuel Guillon sont les autres interprètes de ce Dom Juan qui met en lumière le grand défi intellectuel de Molière, avec la rude et trompeuse simplicité d’une peinture de tradition flamande.

Culture
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