Quand la République gêne le « Président »

Dominique Rousseau  • 12 novembre 2008 abonné·es

La Constitution gêne! Celle que le général de Gaulle a voulue, celle que la gauche a critiquée et qu’elle a pourtant utilisée, cette Constitution-là gêne le «président» Sarkozy. Le Conseil constitutionnel, se référant au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, censure l’application immédiate de la rétention de sûreté aux condamnés exécutant actuellement leur peine. Censure prévisible car logique au regard du droit. Mécontent de cette décision, le «président» Sarkozy demande au Premier président de la Cour de cassation de lui indiquer les moyens juridiques qui permettraient de rendre immédiatement applicable le maintien en rétention, à la fin de leur peine, de personnes condamnées. Bref, il demande au plus haut magistrat de France de lui donner un conseil sur le moyen de violer la Constitution! Car il existe un principe constitutionnel clair, celui, énoncé à l’article 62 de la Constitution, de l’autorité de la chose jugée: «Les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucun recours; elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.» Et cette demande vient du président de la République, c’est-à-dire, de celui qui, en vertu de l’article 5 de la Constitution, est le gardien de cette dernière et doit garantir le bon fonctionnement des institutions!

Dans ces circonstances, il faut saluer la réponse du Premier président de la Cour de cassation qui, en déclarant qu’il ne remettrait pas en question la décision du Conseil constitutionnel sur la non-rétroactivité, a rappelé à Nicolas Sarkozy qu’il était président de la République et non roi, qu’il devait donc exercer le pouvoir dans le respect de la Constitution et que la Justice était un pouvoir indépendant.

La responsabilité constitutionnelle du «président» Sarkozy est ainsi clairement engagée puisque, par cette demande, il a manqué gravement et manifestement aux devoirs de sa charge. Et ce manquement est intentionnel car ce qui gêne Nicolas Sarkozy ce sont les valeurs de la République telles qu’elles sont exprimées dans la Constitution. «La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité. La République est indivisible, laïque, démocratique et sociale» , énoncent les articles 1 et 2. Or, tous ces principes, qui sont ceux de la France depuis 1789, fonctionnent aujourd’hui comme des obstacles à la politique ultralibérale que Nicolas Sarkozy met en oeuvre. D’où, par exemple, ses discours sur le rôle des religions, sur les quotas par lesquels il appelle à contourner, sinon à lever (c’est la mission donnée à la commission présidée par Simone Veil et à celle présidée par Pierre Mazeaud), les «obstacles» des principes de laïcité et d’égalité. L’affaire dela lettre au Premier président de la Cour de cassation n’est donc pas anecdotique. Elle révèle qu’une bataille est engagée par le «président» Sarkozy contre les valeurs de la République qui lui paraissent incompatibles avec les valeurs du marché qu’il veut imposer à la France. Et, parce que la gauche a souvent fait l’impasse sur les institutions et, plus généralement, sur le droit, elle doit prendre en charge au plus vite une réflexion et une action sur ces questions où se joue la qualité d’une société démocratique.

Politique
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