Casse-tête en vue

Samedi, le congrès des Verts à Lille devrait reconduire Cécile Duflot comme secrétaire nationale. Mais la bataille pour les autres postes pourrait occulter les clarifications politiques attendues.

Patrick Piro  • 4 décembre 2008 abonné·es

Voilà au moins une incertitude dont le congrès des Verts devrait faire l’économie, samedi prochain à Lille : Cécile Duflot, l’actuelle secrétaire nationale, devrait être reconduite à son poste. La motion « Espoir en actes » (EEA), qu’elle pilote, est arrivée en tête du vote des militants en assemblées régionales, au premier tour le 16 novembre (27,8 % des voix). C’est un effet des modifications statutaires adoptées l’an dernier : désormais, afin ­d’éviter les arrangements de dernière minute, le chef du parti doit être choisi parmi les deux têtes d’une des listes présentant des candidats au collège exécutif et portant les motions du premier tour.
Cécile Duflot devra auparavant avoir concocté une motion de synthèse majoritaire. Elle devrait y parvenir, mais là commencent les incertitudes. Avec
quels partenaires ?

Illustration - Casse-tête en vue


Avec quels partenaires Cécile Duflot pourra-t-elle s’allier ?
Pavani/AFP

L’accord avec « Urgence écolo, urgence sociale » (UEUS, 14,3 %), de Jean-Marc Brûlé (conseiller régional d’Île-de-France), semblait scellé dimanche dernier. « Rassembler les écologistes, changer les Verts » (RECV, 6,2 %), mené par Bernard Jomier (maire-adjoint, Paris XIXe), devrait les rejoindre.
Resterait à convaincre, par exemple, l’aile gauche du parti, « Altermondialisme, décroissance et écologie populaire » (Adep, 11,8 %). La députée Martine Billard rappelle ses conditions : « Pas question d’acter un glissement des Verts vers le centre. On attend une clarification d’EEA, qui soutient le large rassemblement des écologistes autour de Cohn-Bendit pour les européennes de 2009. » L’accueil au sein de ce dernier d’Antoine Waechter, qui a dirigé les Verts jusqu’en 1993 sur une ligne ni gauche-ni droite, coince aussi chez Francine Bavay (vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France) : « Nos instances avaient limité le périmètre du rassemblement aux écologistes “de transformation sociale”, subrepticement devenus les écologistes “qui critiquent la politique de Nicolas Sarkozy” ! »
Si EEA estime trop coûteux de choisir entre Adep et Cohn-Bendit [^2], il lui reste l’option de raccrocher « Face à l’urgence, unir les écologistes » (Unir, 14,6 %), copilotée par Denis Baupin (maire-adjoint de Paris) et le député Yves Cochet. Unir, qui soutient la dynamique de désenclavement des écologistes enclenchée par Cohn-Bendit, aurait mauvaise grâce à se détourner des amis de Cécile Duflot. « Après tout, nous avons milité pour la synthèse de ­toutes les motions » , rappelle Mireille Ferri (vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France).
Mais rien n’est simple : Unir regroupe aussi beaucoup d’anciens alliés de la sénatrice-maire de Montreuil, Dominique Voynet, et pourrait préférer faire bloc avec la motion qu’elle soutient, « Ouverture, audace, imagination » (OAI, 25,3 %), pilotée par Jean-Louis Roumégas (conseiller municipal de Montpellier)…
Cécile Duflot aurait aimé arriver à Lille avec une situation décantée. Peine perdue : comme de coutume, c’est dans la nuit de vendredi à samedi, en présence de tous les délégués, que se fera la cuisine finale. Elle peut réserver des surprises. Pourquoi pas un axe Duflot-Voynet ? Joker possible, souhaité par certains, « mais qui n’irait pas dans le sens d’une clarification politique », souligne Patrick Farbiaz, soutien d’EEA. Car l’œcuménisme écologique prôné par Cohn-Bendit laisse dubitatif OAI, qui veut lancer les Verts dans la bataille de la reconstruction de la gauche.

Cependant, l’exercice du débat politique, même réduit à une tambouille, pourrait rester vain à Lille. Car la vraie martingale devrait être arithmétique. Les Verts, orfèvres en la matière, se sont préparé un casse-tête en adoptant récemment une disposition limitant à quatre le nombre des candidats d’une liste issus d’une même région. Un amendement clairement « anti-Île-de-France », région qui fournit le principal contingent des 11 élus au collège exécutif du parti. Or, les deux têtes de liste des motions EEA et UEUS – déjà rapprochées – sont franciliennes. Que proposer alors à RECV (Jomier est francilien) ? À Adep, dont le numéro deux, le Parisien Contassot, vise le poste de trésorier ? À Unir, où Baupin et Portugal, têtes de liste, sont parisiens ? À Lille, comme trop souvent, les Verts pourraient bien être submergés par leur comptabilité nombriliste.

[^2]: L’attribution des places éligibles pour les Verts sur les listes aux européennes n’est pas encore bouclée…

Politique
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