Les faux amis

Une comédie peu connue et délectable d’Agota Kristof, mise en scène par Didier Moine.

Gilles Costaz  • 24 décembre 2008 abonné·es

On le sait peu, mais Agota Kristof, l’auteur du Grand Cahier , a publié plusieurs pièces, dont ce John et Joe , que Didier Moine met en scène au discret ­théâtre parisien des Deux-Rêves (à trouver dans le dédale qui borde le bassin de la Villette). Hongroise repliée en Suisse, elle a écrit ce texte directement en français et utilise là un langage très ­simple. Tout y est élémentaire d’ailleurs, mais comme peut l’être un film de Chaplin ou une comédie de Pagnol. C’est tout bête, et cela vous frappe non pas naïvement, mais dans l’évidence, dans une clarté qu’on peut partager avec tous.
Deux amis se rencontrent régulièrement. Ils n’ont rien à faire et marchent toujours vers le même troquet. Ils ont très peu d’argent et s’offrent la moins chère des consommations. L’un d’eux, Joe, a quand même acheté un billet de loterie. Comme il n’a pas assez de monnaie pour payer sa boisson, il laisse John s’emparer du billet. Et ce billet s’avère gagnant. John, ainsi enrichi, joue les pachas au petit pied. Mais à qui appartient le gain ? À celui qui avait payé le billet ? Ou à celui qui l’avait pris pour sa ­misérable valeur de billet sans grand avenir ? Le trompé va essayer de berner celui qui l’a volé…

C’est une comédie sur la fausseté de ces amitiés que masque la routine des rencontres quotidiennes. Didier Moine l’a réglée admirablement, au gré d’une trompeuse tranquillité, à l’intérieur d’un décor insolite, un comptoir noir et étroit où les acteurs sont serrés, comme posés les uns à côté des autres. Patrick Dray est Joe, dans une touche populaire toujours rêveuse. Yvan Chevalier est John, avec cet esprit supérieur que rien ne justifie mais que s’autorise bien volontiers un faux frère de la rue face à un pote. Julien Leonelli est un barman imbu de son rôle de barman. Trois compositions délicates à l’image de ce petit spectacle qui, en semblant effleurer, va plus loin que tant de choses théâtrales qui s’habillent de fracas.

Culture
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