Les raisons d’un fiasco

Deux ouvrages décryptent le mécanisme des crises financières et de la dette, et proposent des solutions pour en finir.

Thierry Brun  • 4 décembre 2008 abonné·es

L’économiste Frédéric Lordon apporte une brillante réponse à cette question lancinante : pourquoi
– et jusqu’à quand – les crises financières vont-elles se succéder ? Depuis que la déréglementation des marchés financiers est en œuvre, « il aura été impossible de passer en moyenne plus de deux ans et demi sans passer par une secousse majeure » . Et sous la variété des crises règne l’invariance de la finance libéralisée, engrenage fort bien décrit dans ce petit livre à l’écriture subtile et acérée.

Lordon dissèque croyances et théories, ainsi que cette novlangue de la finance qui empêche la compréhension de ses mécanismes. Il ouvre cette boîte noire de la finance pour ne pas en rester aux cris d’indignation, « entièrement justifiés mais peu productifs ».
L’auteur entend mettre dans le débat démocratique les aspects méconnus de l’agencement des produits financiers, afin de permettre l’action. Certes, l’ouvrage n’échappe pas à une certaine technicité, car il est nécessaire d’expliquer les « innovations financières » et cette « titrisation » maintes fois invoquée. Mais ces éclairages sont indispensables pour comprendre les six principes et neuf propositions « pour en finir avec les crises financières » et un capitalisme changeant, devenu « anti-salarial ».
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On recommandera aussi la nouvelle édition, actualisée, d’un livre de Damien Millet et Éric Toussaint, deux excellents spécialistes du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde. Il consiste en soixante questions et réponses sur la crise de la dette et les institutions financières internationales. La dette apparaît aujourd’hui, nous expliquent les auteurs, comme l’un des principaux obstacles
à la satisfaction des besoins humains fondamentaux,
*« au cœur du système de domination des pays riches
sur l’ensemble des pays en développement [PED] ».

Quel rôle ont joué les banques privées et la Banque mondiale dans l’évolution de la dette extérieure des PED ? Comment ont évolué les prix des matières premières au cours du dernier quart du XXe siècle ? Autant de questions qui dessinent une crise de la dette qui a débuté dans les années 1980 et n’est pas sans ressemblance avec la crise des subprimes de 2007. Au Sud, la crise de la dette des années 1980 fut provoquée « par l’augmentation unilatérale des taux d’intérêt par les États-Unis, entraînant une explosion des remboursements demandés aux pays du tiers monde que les banques avaient incités à emprunter à taux variables » . En 2007, le sauvetage des institutions financières privées a été réalisé grâce à l’intervention massive des pouvoirs publics. « Pourquoi les banques, qui n’ont pas hésité à effacer des dettes douteuses par dizaine de milliards de dollars, ont-elles toujours refusé d’annuler les créances des pays en développement ? La preuve est faite que c’est parfaitement possible et tout à fait nécessaire. »
En clair, la déréglementation économique des dernières décennies a tourné au fiasco, c’est ce que montrent ces deux livres.

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