Les raisons d’un malaise

En Grèce, les émeutes se généralisent après la mort d’un adolescent tué par un policier. Sur fond de crise sociale étudiante.

Alain Lormon  • 11 décembre 2008 abonné·es

On se souvient que lorsque nos banlieues ont flambé, à l’automne 2005, la chaîne américaine Fox News, par d’habiles mises en perspective et par la grossièreté du commentaire, était parvenue à faire croire que la France entière brûlait. La réalité était plus circonscrite. Le malaise n’en était pas moins révélateur. La même prudence est de mise aujourd’hui en Grèce. Ce n’est pas tout un pays qui brûle. Le mal n’en est pas moins profond. Les images de violences permettent cependant d’esquiver la réalité sociale de la crise. C’est évidemment le caractère massif des manifestations qui l’exprime, plus que les incendies de voitures et les attaques contre les commerces. Même si, incontestablement, les émeutes ne sont pas seulement le fait « d’anarchistes », comme il est dit dans de nombreux commentaires. Lundi soir encore, deux heures après la dispersion d’une manifestation étudiante dans le centre d’Athènes, des groupes de jeunes gens lançaient des raids contre des magasins et devantures, notamment dans le quartier chic de Kolonaki, où siègent plusieurs ambassades. Les affrontements s’étaient donc étendus au-delà du quartier étudiant d’Exarchia, où ils avaient débuté quarante-huit heures plus tôt. Des incidents avaient également eu lieu dans la journée dans les villes de Salonique et dans l’île de Rhodes.

Illustration - Les raisons d’un malaise

Une jeune manifestante est arrêté par les forces de l’ordre à Salonique, le 8 décembre. Mitrolidis/AFP

À l’origine, autre similitude avec les événements français de 2005, la mort d’un adolescent tué de sang-froid samedi par un policier. Mais l’ampleur des affrontements a surtout révélé, comme en France, un malaise politique et social. Associant cette toile de fond et la mort tragique d’un gamin de 15 ans, la banderole principale de la manifestation athénienne de lundi accusait d’ailleurs le gouvernement de « tuer l’avenir de la jeunesse » . Le Premier ministre de droite, Costas Caramanlis, devait quant à lui rencontrer les chefs des quatre partis de l’opposition (socialiste, communiste, gauche radicale et extrême droite). Dans une allocution télévisée, il a ensuite dénoncé les « éléments extrémistes qui ont exploité le drame en montrant que leur seul objectif était la violence » . Figure classique. La vérité réside dans la conjugaison de plusieurs facteurs : la mort révoltante d’un tout jeune homme ; la corruption qui gangrène la droite au pouvoir au moment où la crise frappe de plein fouet la population ; et le désespoir qui s’empare de la jeunesse étudiante. Surdiplômée, celle-ci ne parvient pas à entrer dans le marché du travail ou y accède dans des conditions extrêmes de déqualification et de précarité.

À la différence de la France en 2005, ce ne sont pas les jeunes des banlieues qui sont au cœur du conflit, mais les étudiants. Et les affrontements n’ont pas lieu dans la périphérie des grandes villes, mais en leur centre. Et tout indiquait, lundi, que le mouvement était encore en phase d’extension. Des manifestations avaient également eu lieu dans des villes du Péloponnèse, comme Patras, dans les îles de Chios et de Samos, et à Héraklion, en Crête.

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