La révolte en chantant

Après le passage de l’ouragan Katrina, un quartier de la Nouvelle-Orléans se mobilise pour sauver sa paroisse. Un documentaire somptueux, porté par une musique envoûtante.

Jean-Claude Renard  • 22 janvier 2009 abonné·es

Un ciel bleu cobalt. Et sous le ciel, le quartier populaire de Tremé, à la Nouvelle-Orléans. Qui se remet tant bien que mal du cataclysme, et plutôt mal que bien. L’ouragan Katrina, en août 2005, a laissé des traces. Ca bricole un peu partout, répare les toits, remonte les murs. Beaucoup d’habitants du coin ont perdu leur logement, des proches, des amis, leur travail. Tous terrassés. Et les plus fragiles poussés dans le précipice. Reste encore le souvenir d’un gouvernement qui a failli à ses responsabilités, méprisé le peuple, attendu six jours avant de porter les premiers secours. Après Katrina, l’archevêché de la Nouvelle-Orléans n’a plus les moyens d’entretenir la paroisse Saint-Augustin. Les fidèles sont moins nombreux, disparus dans la tragédie ou contraints à changer de ville. La paroisse doit fermer ses portes, son curé muté. Un curé guère commun, le père Jérôme LeDoux, qui n’a pas ménagé ses peines devant la débâcle des eaux pour sauver ses ouailles, rassemblé les gens de toutes confessions, sans le moindre soutien de son archevêque. Branle-bas de combat, mobilisation et occupation des lieux sacrés alors pour sauver Saint-Augustin, première église, au XIXe siècle, à voir se côtoyer esclaves africains affranchis et Blancs.
Deux ans après Katrina, Peter Entell s’est laissé heureusement emporter, caméra en main, par le tourbillon des événements. À côté de quelques images de l’ouragan, féerie aux confins du désastre, avec ses tôles froissées, ses baraques retournées, ses dégringolades de boue, son documentaire reste collé au plus près du quotidien trépidant de la paroisse, érigée en symboles des laissés-pour-compte américains, de longs plans-séquences en gros plans, de confidences en discours.
Entell suit la colère des habitants, victimes d’une injustice de trop, au nom de la rentabilité d’une église (s’y ajoute une pointe de racisme), brossant en même temps le portrait d’un père charismatique et courageux, jamais dépourvu de bonne humeur ni d’esprit ( « Un bon sermon doit être comme la jupe d’une femme : assez long pour couvrir le sujet, mais assez court pour être intéressant ! » ). Une humeur joyeuse dans la mobilisation, qui transpire dans la pellicule et la bande sonore, ponctuée de concerts jazz, de rythmes chaloupés habillant les messes et la lutte collective.

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