Santé-environnement : un plan qui retarde

André Cicolella  • 21 mai 2009 abonné·es

L’adoption du principe de précaution comme principe constitutionnel en 2005 aurait dû conduire à concevoir le deuxième Plan national santé environnement (PNSE 2) sur la base de ce principe, et ce d’autant plus que le bilan du PNSE 1 était mince : une rupture de conceptions entre les deux plans s’avérait nécessaire.

Cela n’a pas été le cas. Le changement constitutionnel n’est même pas évoqué dans la partie « contexte » du document, mais seulement au détour de telle ou telle mesure ponctuelle. Si un constat partagé avait été fait dans l’ensemble des ateliers du Grenelle de l’environnement, cela n’avait pas été le cas pour l’atelier « santé environnement », ce qui s’est traduit par des mesures bien limitées, sérieusement diminuées ensuite dans les projets de loi Grenelle 1 et 2.

Parmi ces engagements, le PNSE 2 devait être préparé sous la forme de la gouvernance à cinq collèges – selon le modèle du Grenelle. Engagement non tenu. C’est un « comité opérationnel » constitué sous la présidence du professeur Gentilini, président de l’Académie de médecine, qui a récupéré cette mission – et l’on sait les prises de position minimalistes de l’Académie en ce domaine.
Sans surprise, le constat est bien timoré. Le PNSE 2 reconnaît bien que certaines pathologies ont une composante environnementale en citant deux exemples : l’asthme (10 à 35 % de causes environnementales) et le cancer (fraction attribuable de 1 à 5 %) – soit, dans ce dernier cas, l’ordre de grandeur retenu par le rapport de l’Académie de médecine en octobre 2007 ! À titre de comparaison, aux États-Unis, l’estimation de l’Institut national du cancer et de l’Institut national des sciences de la santé environnementale est de… deux cancers sur trois liés à l’environnement. Les autres pathologies ne sont pas évoquées, sauf les maladies cardiovasculaires (sans précision sur l’importance de la part environnementale). Aucune référence donc dans le plan aux atteintes de la reproduction, ni aux maladies neurodégénératives, aux atteintes immunologiques, aux maladies mentales, à l’obésité et au diabète – pourtant clairement compris dans la définition de l’environnement par la branche Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les nouvelles maladies de l’environnement, comme le syndrome d’hypersensibilité (MCS), ne sont pas évoquées non plus.

Du point de vue des milieux pris en considération, il est surprenant que l’on en reste à « l’air » et à « l’eau ». Le PNSE 2 « oublie » le monde du travail, qui est renvoyé à un plan spécifique, mais aussi les cosmétiques et l’alimentation (à l’exception de l’eau). Cette vision étriquée est donc non seulement en retrait par rapport à celle de l’OMS, mais ne tient pas compte de l’état des connaissances scientifiques, qui montrent une interpénétration des facteurs de mode de vie et d’environnement physico-chimique. C’est la vision des années 1970, alors que l’enjeu aujourd’hui nécessite d’avoir une approche dépassant les frontières de chaque milieu au profit d’une approche par population tout au long de la vie.
On retiendra quand même l’accent mis sur la lutte contre les inégalités environnementales, mais sans proposition vraiment concrète. Ce plan est sans ambition parce que, pour ses auteurs, cette question « santé-environnement » est marginale. Il est grand temps de changer de logique et de mettre au contraire la santé environnementale au cœur des politiques de santé et de l’environnement parce qu’une action vigoureuse sur les causes est la seule façon d’arrêter les épidémies modernes.
Encore faut-il les identifier de manière sérieuse, et ne pas se contenter d’une explication par la seule incrimination des consommations de tabac et d’alcool, comme c’est encore trop souvent le cas. C’est l’ambition que nous nous sommes donnée au Réseau environnement santé (RES). La campagne pour obtenir l’interdiction du bisphénol A dans les plastiques alimentaires que nous avons engagée est un exemple de ce qu’il faut changer dans notre environnement. Mais il faut aussi révéler les enjeux en un constat clair. Pour cela, plus que jamais, un véritable Grenelle « environnement-santé » est nécessaire.

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