Proche-Orient : Tonalité nouvelle, mots traditionnels

Dans sa vision du monde, Barack Obama n’oublie jamais l’intérêt de son pays. Mais il en a une conception différente de Bush.

Denis Sieffert  • 11 juin 2009 abonné·es
Proche-Orient : Tonalité nouvelle, mots traditionnels
© **1,4 ou 1,8 milliard.** _ Ce sont les deux estimations du nombre de musulmans dans le monde.

Lire aussi l’entretien avec Hind Khoury, «C’est un discours de respect»

Quand on lit attentivement le discours de Barack Obama, deux choses frappent : la sincérité du ton et la prudence des mots. D’où un sentiment contradictoire. On a beau être plein de méfiance, on aimerait croire cet homme. Mais la froide analyse du texte a tôt fait de nous replonger dans notre scepticisme. À propos du conflit israélo-palestinien, il n’y a rien de nouveau. Hind Khoury a raison de rappeler – la suite nous l’avait fait oublier – que même George Bush a plaidé pour deux États, et demandé à son allié israélien le gel de la colonisation. Avant, sans doute, d’être repris en mains par son entourage.

Pas plus que Bush, Obama n’a précisé ce que serait cette Palestine qu’il appelle de ses vœux ; quelles en seraient les contours ; quel en serait la capitale ; ni selon quel processus ou quel calendrier elle serait instituée. Dans ces conditions, on pressent le nouveau piège qui pourrait rapidement se refermer sur les Palestiniens. Une sorte de « Camp David » bis. Comme en juillet 2000, on leur ferait une proposition de frontières inacceptables, et on ferait de leur refus le point de départ d’une nouvelle vague de répression. Si le piège n’est pas dans l’esprit d’Obama, d’autres que lui se chargeront de le mettre en place à partir des imprécisions du Président américain.

Finalement, c’est peut-être dans la partie du discours qui les concerne le moins que les Palestiniens doivent puiser leur espérance. Dans cette adresse au monde musulman. Ici, Obama réconcilie ses intentions généreuses avec les intérêts bien sentis des États-Unis d’Amérique. L’état de guerre, ouverte ou virtuelle, avec le monde arabo-musulman n’est plus tenable. Il résultait de considérations idéologiques finalement néfastes aux intérêts américains dans le monde. Mais pour pacifier leurs relations avec les musulmans, les États-Unis ont besoin de leur donner des gages importants dans le conflit israélo-palestinien, si hautement symbolique pour eux. S’il ne faisait rien, ou pire encore, s’il se faisait le complice même involontaire d’un nouveau traquenard, Obama serait délégitimé pour l’ensemble de sa politique.
Un mot tout de même sur le choix d’Obama de s’adresser aux musulmans. C’est la singularité et la force de cette démarche. Il s’est adressé aux peuples dans leur réalité culturelle. Il a emprunté pour cela le chemin le plus direct. Ceux qui chez nous, au nom de l’orthodoxie laïque, ont critiqué cette adresse à des croyants opposent un dogme au principe de réalité. L’autre voie aurait été de s’adresser aux gouvernements, c’est-à-dire aux dictateurs et potentats de toute sorte. C’était condamner son propos à rester inaudible. C’est comme musulmans que ces peuples s’étaient sentis agressés par l’administration précédente. C’est comme tels qu’Obama leur offre de renouer le dialogue.

Monde
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