La peur du mutant

Le virus de la grippe A pourrait-il se modifier et devenir bien plus dangereux ? En théorie, oui, mais le risque, estiment les chercheurs, est tout de même très limité.

Patrick Piro  • 3 septembre 2009 abonné·es

Le virus de la grippe est réputé pour son extrême capacité à muter. Ses gènes se modifient régulièrement, nécessitant la mise au point, chaque année, d’un nouveau vaccin contre la grippe classique, dite « saisonnière ». Mais, plus radical, le virus peut aussi parfois échanger des gènes complets avec d’autres virus. C’est l’un de ces rares « réassortiments » qui a accouché du H1N1, concocté à partir de virus humain, aviaire et porcin : « Tout est possible, avec la grippe » , résume Bruno Lina, directeur du Centre national de référence de la grippe.

H1N1 semble être apparu il y a une décennie chez le porc, dont l’organisme est un chaudron à virus hors pair. Il n’est pourtant pas affecté : H1N1 est bien une grippe humaine, échappée des cheptels. Mais on a aussi constaté, il y a peu, la présence du virus chez des oies chiliennes ! Et ressurgit le spectre de la grippe aviaire, le fameux H5N1… Il a tué des millions d’oiseaux, et quelques centaines d’humains « seulement » : très virulent, il s’est avéré assez peu compétent pour les contaminer massivement. Pourrait-on, dès lors, assister à un réassortiment « catastrophique » entre H5N1, cent fois plus virulent que la grippe saisonnière mais peu contagieux, et H1N1, très contagieux, mais bien moins virulent (actuellement) ? Oui, en théorie. En pratique, Bruno Lina signale que les chercheurs ont tout fait pour faciliter cet événement en laboratoire, et qu’ils n’ont obtenu que trois réassortiments en trois ans d’efforts. Soit une probabilité de 1 sur 100 millions environ. Encore faudrait-il qu’un terrible mutant soit apte à se transmettre – ce qui a pris huit ans à H1N1 –, puis à se maintenir, etc.

Il n’empêche, comment se préparer à une éventualité du genre ? Contrôler systématiquement les cheptels, de porcs surtout ? « Mais parmi la masse de nouveaux virus que l’on détecterait, rien n’indiquerait qu’il y a danger imminent » , tempère Bruno Lina. Aussi, les instances sanitaires envisagent de surveiller les populations au contact des élevages, afin de repérer à temps si des infections bénignes ne seraient pas des grippes mutantes potentiellement dangereuses.

En attendant, à partir de la mi-septembre, la France analysera aléatoirement une vingtaine de malades de la grippe H1N1 par semaine (sur 50 cas déclarés en moyenne), afin de repérer d’éventuelles mutations du virus. Mais, en cas d’épidémie, il y aurait jusqu’à 2 000 fois plus d’infections…

Publié dans le dossier
Inégaux face à la grippe
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