Front de gauche et plus si affinités

Le conseil national du PCF s’est prononcé pour des listes du Front de gauche élargi au premier tour et des majorités de gauche au second. Une décision bien accueillie, sauf par le NPA.

Michel Soudais  • 29 octobre 2009 abonné·es
Front de gauche et plus si affinités

La fumée blanche est finalement plus claire que beaucoup le craignaient. Dimanche, au terme de deux jours de débat, le conseil national du PCF s’est prononcé pour des « listes du Front de gauche de large rassemblement au premier tour » des régionales. Des listes qui, « en ouvrant un autre choix à gauche que celui porté par le PS ou Europe Écologie » , auront pour ambition d’être « un levier pour faire bouger le curseur à gauche » . Cette proposition, présentée comme une « offre politique nationale » , a recueilli l’assentiment de 126 membres du parlement communiste ; il y a eu 22 contre et 6 abstentions.
Le PCF a donc décidé de reconduire aux élections régionales l’alliance avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et la Gauche unitaire de Christian Picquet au sein du Front de gauche créé pour les européennes. Il entend toutefois constituer des listes « de large rassemblement […] très au-delà des trois forces » qui avaient obtenu 6,5 % en juin dernier, et souhaite ouvrir ces listes « à des forces nouvelles » et notamment à des femmes et des hommes issus du mouvement syndical, social ou associatif.
Selon la résolution adoptée, ces listes devront avoir pour « objectifs clairs » au premier tour de « construire de la manière la plus ouverte et la plus participative possibles les projets régionaux clairement ancrés à gauche » . Au second tour, elles devront « tout faire pour empêcher la droite de reconquérir les régions, et créer partout les conditions de majorités régionales de gauche, avec l’objectif de porter dans ces majorités des projets de transformation sociale réelle, et si les conditions en sont créées de travailler à leur mise en œuvre, jusque dans les exécutifs régionaux » . Ce qui suppose, précise le document, « de travailler sans ambiguïté au lendemain du premier tour à la fusion des listes de gauche et écologistes, donc à l’exclusion du Modem, dans le respect de l’influence de chacune de ces listes ».

Ce choix d’autonomie vis-à-vis du PS au premier tour souffrira toutefois vraisemblablement des exceptions dans plusieurs régions. Le texte adopté dimanche et les statuts du PCF ouvrent en effet la possibilité aux fédérations de refuser cette stratégie nationale en fonction de contextes locaux. La résolution « propose » de constituer des listes de Front de gauche élargi « partout où les conditions peuvent en être créées » et « où les forces disponibles existent » . Deux conditions qui relèvent de l’appréciation des conférences régionales convoquées les 7 et 14 novembre, avant un vote définitif des militants dans chaque région, les 19, 20 et 21 novembre.

Dans une dizaine de régions où le Front de gauche n’est pas assuré de passer la barre fatidique des 5 %, qui permet de fusionner ses listes avec ses partenaires [^2].), les communistes seront tentés de s’allier au PS dès le premier tour pour privilégier un autre objectif inscrit dans la résolution : « Tout faire pour élire dans [les] majorités de gauche […] l e maximum de conseillers régionaux communistes. » Ces données doivent « entrer en compte dans la réflexion des communistes » , a reconnu Marie-George Buffet lors d’un point de presse dimanche.

Le risque est d’autant plus grand que de nombreux élus, associés au PS dans la gestion des régions, ne veulent pas de l’autonomie. « Ce n’est pas une bonne stratégie » , juge ainsi Jean-Claude Gayssot, vice-président PCF en Languedoc-Roussillon. Soulignant le « risque de faire le jeu de la droite qui, elle, va partir unie » , l’ancien ministre des Transports souhaite « poursuivre avec le PS et Georges Frêche » dans sa région. Une possibilité vivement exclue par Mme Buffet : « Nous ne serons pas avec Georges Frêche, ni au premier ni au second tour » , il faut de l’ « éthique en politique ».

Le vote du conseil national du PCF, tout important qu’il soit, n’est donc qu’indicatif. Il n’en a pas moins été salué par les partenaires du PCF, associés ou non dans le Front de gauche, comme un signal positif (voir page suivante). La seule véritable réserve vient du NPA, avec lequel les responsables du PCF excluent toujours de faire liste commune. Ils ont été confortés dans ce refus par une phrase figurant dans la dernière déclaration du comité exécutif de la formation d’Olivier Besancenot, publiée le 22 octobre : « Il faut enregistrer qu’existent deux gauches dotées de programmes contradictoires qui interdisent de gérer ensemble des régions. » « Le NPA persiste à refuser la nécessité de travailler à des majorités de gauche » , déplore le PCF dans la résolution adoptée dimanche.
Dans une ultime tentative de régler ce différend, le NPA envisageait, lundi, de faire une proposition alternative à l’offre du PCF au cours d’une nouvelle réunion de travail des formations de l’autre gauche, qui devait se tenir mercredi 28 octobre, place du Colonel-Fabien.

François Delapierre, délégué général du Parti de gauche

«C’est une décision qui frappe d’abord par son ampleur : plus de 80 % du conseil national. Cette majorité inhabituelle dans cette instance prouve que la dynamique née au moment du Front de gauche pour les élections européennes a changé la perception de beaucoup de communistes. Pour le PCF, choisir de présenter des listes autonomes du PS et d’Europe écologie après avoir participé à la gestion de beaucoup de régions aux côtés du PS n’est pas une décision facile. Elle témoigne de la prise de conscience qui monte dans l’autre gauche : si nous ne sommes pas capables de proposer ensemble une stratégie alternative, nous risquons d’être entraînés vers le trou noir démocrate, comme toute la gauche italienne. C’est donc un choix qui bouleverse le paysage politique des régionales mais qui, à terme, peut changer profondément la gauche, et donc l’avenir de notre pays. Les conditions sont maintenant réunies pour que toute l’autre gauche se rassemble. La question des exécutifs ne doit pas l’empêcher, d’autant que nous pouvons nous accorder sur une participation conditionnelle aux exécutifs. Le texte du PCF rend cela possible. Une occasion historique se présente pour l’autre gauche. Il n’y en aura pas d’autre avant 2012. Ne la laissons pas passer. »

Christian Picquet, porte-parole de la Gauche unitaire

«Nous attendions avec confiance la décision que prendraient les communistes, nous sommes satisfaits que cette décision soit conforme à la dynamique initiée à l’occasion des européennes. Le Front de gauche est aujourd’hui en situation, grâce à la décision des communistes, de franchir une nouvelle étape dans sa construction, de présenter dans le maximum de régions des listes autonomes du PS et d’Europe Écologie, en rupture avec le libéralisme et le productivisme, de dessiner une nouvelle voie à gauche et de nouvelles majorités régionales de gauche pour que les régions soient des points d’appui des résistances sociales et des éléments d’affrontement avec la droite sarkozyenne. C’est de nature à permettre à la dynamique que nous avons construite ensemble de s’élargir à d’autres forces prêtes à entrer dans un processus de rassemblement de la gauche de gauche avec la volonté d’aboutir à une nouvelle offre politique, porteuse d’un espoir de bouger les choses à gauche et de créer un nouveau rapport de force.
Je souhaite que le NPA prenne acte de cette nouvelle réalité. Il n’y a plus aucune raison pour que toute la gauche de gauche ne soit pas rassemblée en mars prochain. »

Jean-Jacques Boislaroussie, porte-parole des Alternatifs

«Nous acceptons de discuter avec nos partenaires dans la configuration qu’ils souhaitent, mais il n’est pas question pour nous d’entrer dans le Front de gauche. Partisans d’un front large de « l’autre gauche », nous souhaitons que s’y retrouvent le PCF, le PG, le NPA et les Alternatifs car, dans notre pays, le centre de gravité d’un tel rassemblement ne peut être le même qu’au Portugal, où il s’est constitué autour de courants historiques de la gauche radicale et alternative, ou en Allemagne, où l’unité s’est faite autour de courants issus des traditions socialistes et communistes. Nous attendons des prochaines réunions communes qu’elles marquent la volonté de construire une dynamique commune à la gauche du PS qui, dans le jeu des institutions, évite le double piège de la capitulation devant le PS et de la marginalité. Si l’on veut éviter d’avoir
un programme offensif sur les contenus mais des positions extrêmement faibles dans les institutions après l’élection, il faut une plateforme programmatique
qui identifie quelques mesures clés,
en rupture avec le libéralisme,
dont la mise en œuvre conditionnera notre participation aux exécutifs. »

Clémentine Autain, membre de la FASE

«La poursuite de la dynamique du Front de gauche et son élargissement, décidés ce week-end, constituent une excellente nouvelle. Je suis pour que la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE) réponde favorablement à cet appel. Il n’était pas gagné que le PCF ait un discours clair en faveur de listes autonomes au premier tour. Que ce point de vue ait été défendu par la direction et approuvé à une écrasante majorité est, pour moi, un élément positif. Le texte met l’accent sur le fait qu’il faut aller vers la construction de majorité, mais la participation aux exécutifs y est assortie de « conditions » ; c’est un point d’appui intéressant pour la Fédération, qui ne dit ni jamais ni toujours, cela dépend des rapports de force. Positive aussi la position nationale très claire vis-à-vis du MoDem, qui tranche avec le comportement du PCF à Dijon ou Grenoble. En revanche – c’est un désaccord stratégique –, fermer la porte au NPA ne permet pas de lutter contre l’éparpillement de l’autre gauche. Le NPA, ces dernières semaines, peut-être par peur de l’isolement, a mis de l’eau dans son vin et semble plus ouvert à la construction d’un compromis entre les différentes forces. Ce n’est donc absolument pas le moment de lui claquer la porte au nez. Évaluons au contraire quel peut être le point d’équilibre qui permet un large rassemblement. »

Pierre-François Grond, membre du comité exécutif du NPA

«Nous sommes très déçus. Premier problème : ce n’est pas une politique nationale valable dans les vingt et une régions mais une politique à géométrie variable qui permet à la fois des accords de la gauche dite radicale et des accords de participation à des listes socialistes dès le premier tour, comme l’annonce la direction du PCF. Deuxième problème : nous avions fait le choix de ne pas faire de la question des exécutifs un préalable de discussion ; pour le PCF, la condition pour des listes de premier tour avec le NPA serait que le NPA accepte des accords de gestion avec le PS. Nous y sommes évidemment tout à fait opposés. Avec le PS, on ne peut pas gérer ensemble des régions car nous n’avons pas le même programme. Et nous ne voyons pas très bien l’intérêt de se présenter au premier tour si c’est pour dire qu’on va vers un accord au second. Il y a là une lisibilité politique qui nous semble complètement absurde. Sans caractère national ni indépendance minimale vis-à-vis du PS, cette offre politique n’est pas susceptible
de parvenir à un accord unitaire.
Comme nous souhaitons toujours
un tel accord, nous allons faire une
contre-proposition à nos partenaires
dès le 28 octobre. »

[^2]: Aux européennes, les listes Front de gauche sont restées sous les 5 % dans sept régions (Alsace, Basse-Normandie, Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Lorraine, Pays-de-Loire, Poitou-Charentes). Trois dépassaient tout juste ce plancher (Bourgogne, Bretagne et Rhône-Alpes

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