Bande d’atterrés !

Des économistes appellent à des alternatives aux politiques européennes d’austérité.

Noëlle Guillon  • 16 septembre 2010 abonné·es

Le Manifeste des économistes atterrés circule depuis le 1er septembre et a rassemblé plus de 300 signatures aux dires des initiateurs. Philippe Askenazy, de l’École d’économie de Paris, Thomas Coutrot, du conseil scientifique d’Attac, André Orléan, de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), et Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sont à l’origine de ce texte. « Nous sommes partis du constat que, face aux politiques économiques européennes menées depuis cet été – ces politiques d’austérité, de réduction majeure des dépenses publiques –, il n’y avait aucun débat public sur la question. Or, beaucoup d’économistes pensent que c’est suicidaire » , explique Thomas Coutrot. Les rédacteurs du texte le rappellent dès l’introduction : « Ces mesures sont irresponsables d’un point de vue politique et social, et même au strict plan économique. »

L’intérêt du manifeste est de mettre en avant dix fausses croyances sur l’économie et ses rapports à la finance. Non, les marchés ne sont pas de bons juges de la solvabilité des États. Pour la bonne raison qu’ils ne sont pas « efficients » . Les marchés financiers, contrairement aux marchés de biens ordinaires, ne permettent pas d’attribuer des prix justes et de dégager des signaux fiables. En jugeant la situation grecque, par exemple, les marchés financiers non seulement ont fait comme à leur habitude un pari sur l’avenir, mais ont par là même construit le futur qu’ils ont imaginé, en augmentant le risque de faillite. Surtout, l’envolée des dettes publiques ne résulte pas d’un excès de dépenses, mais de l’ « effritement » des recettes publiques. En cause, selon les auteurs, une contre-révolution fiscale exonérant les impôts sur les sociétés, les hauts revenus et les patrimoines.

Ce texte entend apporter des réponses aux problèmes soulevés par la mise en cause de tels postulats, et met « 22 mesures en débat pour sortir de l’impasse » . Pour lutter contre l’instabilité des marchés financiers, il faut instaurer des taxes sur les transactions, cloisonner les marchés et les activités des acteurs financiers en interdisant aux banques de spéculer pour leur propre compte. Sur le sujet de la taxation des transactions financières, Thomas Coutrot dénonce le manque de motivation de la France et de l’Allemagne, malgré « un discours favorable à une mesure hétérodoxe » . Pour affranchir les États de la menace des marchés financiers, ces économistes proposent de garantir le rachat des titres publics par la Banque centrale européenne (BCE). Et, surtout, de revoir toute la fiscalité. Enfin, ils en appellent au retour en Europe de l’ « harmonisation dans le progrès » du traité de Rome, en lieu et place de la logique de concurrence qui a pris le pas depuis trente ans.

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