Le Front de gauche se tourne vers 2012

À la fête de l’Huma, Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon et Christian Picquet ont lancé le chantier du « programme partagé » qu’ils présenteront contre Sarkozy. Le choix du candidat sera plus problématique.

Michel Soudais  • 16 septembre 2010 abonné·es
Le Front de gauche se tourne vers 2012

La fête de l’Humanité reste le rendez-vous de toute la gauche. Il y avait, le week-end dernier à La Courneuve, la foule des grands jours – 600 000 personnes, selon les organisateurs. Un public populaire venu profiter des concerts et des spectacles, mais aussi avide de débats. Ceux-ci réunissaient aussi bien des intellectuels, des artistes, des syndicalistes et des militants associatifs de tous horizons. On y croisait aussi des représentants de toute la gauche politique, jusqu’à Lutte ouvrière. Une gauche qui, malgré sa diversité, a affiché son unité pour faire reculer le gouvernement sur la réforme des retraites.

« Le temps est venu de mettre un coup d’arrêt, sans attendre 2012, à la fuite en avant de ce pouvoir » , a déclaré Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, lors d’un discours samedi devant Harlem Désir et Claude Bartolone (PS), Arlette Laguiller et Nathalie Arthaud (LO), Olivier Besancenot (NPA), Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), Christian Picquet (Gauche unitaire), Jean-Marc Brûlé et André Gattolin (Europe Écologie). Convaincu qu’ « il y a dans le peuple de gauche une envie de partage dans l’action » et « une très forte aspiration à l’unité » , le nouveau numéro un communiste est persuadé que la gauche peut « faire reculer » le gouvernement et « gagner cette bataille » sur les retraites. Malgré les « ambiguïtés » du PS sur la question.
« Dans cette bataille, c’est aussi l’après-Sarkozy qui commence à se jouer » , a-t-il encore affirmé, dimanche, lors de son premier discours sur la Grande Scène, en lançant un double appel. À une « guerre citoyenne et pacifique » face à « ce pouvoir en guerre contre le monde du travail » . À la gauche, pour qu’elle prenne des « engagements clairs et sans ambiguïté » dans un « pacte d’union populaire » dont le Front de gauche est plus que jamais ­l’instrument. La fête de l’Huma a ainsi été le lieu de la relance de cette alliance tripartite entre le Parti communiste (PCF), le Parti de gauche (PG) et la Gauche unitaire (GU). Une alliance que les trois formations veulent « ouverte » à tous ceux qui partagent leurs démarche et objectifs. Et qui ambitionne de se doter d’un « programme partagé » pour 2012.

Dans une Agora de l’Humanité archicomble et par une chaleur étouffante, Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon et Christian Picquet, personnalités associatives et syndicales présentes pour interpeller [^2], en ont lancé le chantier, samedi après-midi. Le secrétaire national du PCF a invité « tous ceux qui sont dans les mobilisations sociales » à « se mêler du débat politique » et à participer localement à la construction du programme du Front de gauche, entre «  révolution sociale contre les marchés financiers » et « révolution démocratique contre la monarchie » de Nicolas Sarkozy. « Le programme, nous n’allons pas l’écrire dans un bureau, c’est vous qui allez marner ! » , a renchéri Jean-Luc Mélenchon, appelant à une ­— « mobilisation populaire » pour une « révolution citoyenne » .

Si les discussions sur le projet ­semblent consensuelles, la question des candidatures est plus problématique. Surtout depuis l’irruption sur la scène où Jean-Luc Mélenchon faisait figure de favori, d’un outsider inattendu, André Chassaigne. Le député PCF du Puy-de-Dôme jouant sa carte d’élu de terrain, « connu régionalement mais complètement ignoré » nationalement, s’est dit « attaché à une candidature commune du Front de gauche » pour la présidentielle, mais opposé à l’idée qu’il existerait
des « femmes ou des hommes ­providentiels » .

S’il prend garde à ne pas se présenter comme un candidat du PCF, cet inconnu du grand public a bénéficié de l’appui de la direction du parti pour rendre publique sa candidature. C’est Pierre Laurent qui, dans un entretien à Libération, jeudi, a attiré l’attention de la presse sur sa candidature. Autre coup de pouce : André Chassaigne, que l’on a vu dimanche à la gauche de Pierre Laurent, sur la Grande Scène, s’est invité à la tribune du Forum
du Front de gauche, à une heure où il était initialement annoncé sur un stand de sa région pour y présenter Pour une terre commune ­(Arcan 17), l’essai qu’il vient de publier. Le désormais candidat n’entend pas faire de la figuration. Il l’a dit et redit aux journalistes qui lui rapportaient les doutes des communistes orthodoxes, pour qui sa candidature n’est qu’un leurre destiné à barrer la route à celle d’Alain Bocquet. « Si la direction le lui demande, il se retirera » , pronostiquent-ils.

Le scénario n’est pas encore écrit, et le mode de désignation du candidat commun du Front de gauche n’est même pas décidé. Tout juste sait-on que les communistes ont renvoyé leur décision au congrès de juin 2011. Et d’ici là, tout en travaillant à son programme, le Front de gauche risque bien de pâtir d’une primaire qui ne dit pas son nom.

[^2]: La magistrate Évelyne Sire-Marin, l’avocate Dominique Noguères, l’initiateur de l’Appel des appels, Roland Gori, et Willy Pelletier, de la Fondation Copernic.

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