Martine Aubry recentre le PS

Michel Soudais  • 21 octobre 2010 abonné·es

Retrait ou suspension ? Le PS hésite. À l’image de la volte-face de Martine Aubry. Le 12 octobre, dans un communiqué, la première secrétaire du PS, arguant des mobilisations « massives » et d’une amplification du mouvement, demandait encore « au président de la République, garant de l’unité de notre pays et de la cohésion sociale » de « retirer son projet » . Un retrait réclamé aussi par Ségolène Royal, ce soir-là, sur le plateau du JT de TF 1. Deux jours plus tard, invitée de l’émission « À vous de juger » sur France 2, la patronne du PS demandait cette fois au chef de l’État « de suspendre les discussions au Sénat, mais aussi de mettre aussitôt les syndicats autour de la table, de remettre tout à plat » .

Dans un parti où les dirigeants ont l’habitude de surveiller leurs propos, ce changement de termes n’est pas insignifiant. Cela faisait quelques jours déjà que plusieurs figures du parti, essentiellement des parlementaires, prônaient la renégociation de la réforme et non son retrait pur et ­simple. Le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, notamment, suggérait plutôt de « geler le texte tel qu’il est aujourd’hui, parce que tout n’est pas forcément à rejeter » . « Il faut que la porte du gouvernement s’ouvre et qu’une discussion sur la base du projet actuel puisse se faire avec le gouvernement et les partenaires sociaux » , déclarait pareillement François Hollande, le 13 octobre, sur France 2.

Ces tenants du « pragmatisme » ont apprécié le discours « réaliste » de la Première secrétaire. Le député Michel Sapin, proche de l’ex-patron du PS François Hollande, l’a jugée « efficace et claire » . La députée strauss-kahnienne Marisol Touraine, « sérieuse et responsable » . Ceux-là ont tout particulièrement apprécié que Mme Aubry acte l’allongement de la durée de cotisations – 41,5 ans à l’horizon 2020 : « Nous reviendrons aux 60 ans pour ceux qui ont travaillé tôt et qui ont fait des travaux ­pénibles » , a-t-elle déclaré. Mais « nous acceptons parfaitement l’augmentation de la durée de cotisation » prévue dans la réforme Fillon de 2003. « Le message, c’est que les socialistes ne disent pas “on rase gratis”. Il y a des efforts à faire, elle l’a dit clairement » , s’est félicité M. Sapin.

À la gauche du parti, la tonalité était un peu différente. Razzy Hammadi, secrétaire national aux services publics et membre du courant Un monde d’avance, a « trouvé Martine Aubry combative et cohérente » . « Mais, a-t-il averti, il faut faire attention à ne pas laisser croire que la différence entre la gauche et la droite est une différence de curseur. » D’accord avec Benoît Hamon, qui, le 13 octobre sur France Info, jugeait qu’il fallait « retirer » le projet du gouvernement, « tout remettre à plat, engager une négociation qui aille au-delà et qui pose aussi la question des salaires, la question du droit du travail » , M. Hammadi aurait voulu que ces questions soient « plus présentes dans l’émission » . Tout en félicitant Martine Aubry d’avoir su « proposer une ­sortie de crise » , un autre secrétaire national issu de la gauche du PS, Pouria Amirshahi, estime diplomatiquement qu’il ne fallait pas « faire un principe » de l’allongement de la durée de cotisations car, sur les retraites, « les lignes ne sont pas figées » .

Nettement plus critique, Pascal Cherki, adjoint au maire de Paris et l’un des responsables nationaux du courant Un monde d’avance, se demande sur son blog « comment Martine Aubry a pu […] affirmer son accord avec l’allongement de la durée légale des cotisations » en pleine mobilisation contre le projet du gouvernement. « Tactiquement, cette position est une faute car elle raisonne comme une gifle à la face de millions de salariés mobilisés contre le projet de Nicolas Sarkozy » , écrit-il. Elle est aussi contestable philosophiquement et économiquement, explique-t-il avant de recommander « fortement à Martine Aubry de rectifier très rapidement le tir » . Ce qui n’est pas l’hypothèse la plus probable.

Publié dans le dossier
Crise sociale : à force de mépris
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