Et maintenant, au travail !

Depuis samedi, les Verts et Europe Écologie ne forment plus qu’un seul mouvement. Mais les embûches sont nombreuses d’ici aux échéances de 2012.

Patrick Piro  • 18 novembre 2010 abonné·es
Et maintenant, au travail !
© Photo : AFP/Desmazes

Les Verts sont morts, Europe Écologie est morte, vive « Europe Écologie-Les Verts » ! Banalement, les deux partenaires écologistes ont souhaité conserver leur nom après la célébration de leur union, samedi dernier à Lyon, lors d’assises constituantes qui ont rassemblé quelque 2 000 militants [^2]. L’intitulé nouveau ne représentait pas un enjeu majeur de ces assises, « moment de plaisir et d’incandescence » , selon Cécile Duflot. « Nous ne sommes pas là pour bouder notre plaisir , affirme le député Noël Mamère. Nous sommes forts, et nous le savons. » Tout l’après-midi, les dirigeants se relayeront pour affirmer leur conviction que l’heure est arrivée pour l’écologie de jouer un rôle majeur dans le paysage politique français.

Même Dany Cohn-Bendit, ovationné comme le grand inspirateur du nouveau mouvement, tient à convaincre qu’il est « de bonne humeur » . Cécile Duflot, secrétaire nationale, l’avait qualifié de « Schtroumpf grognon » pour avoir fustigé, la semaine précédente, le « sectarisme » des Verts ­
– reproche démenti par la brochette des personnalités présentes à Lyon, d’Antoine Waechter à José Bové. Dernière déception en date pour Cohn-Bendit, qui restera très présent dans l’aventure Europe Écologie-Les Verts même s’il décline à nouveau toute ambition carriériste : le refus de l’écologiste centriste Corinne Lepage, tête de file de Cap 21, de se joindre à la famille, en raison, dit-elle, du virage à gauche imposé par les Verts. « Cependant, notre porte lui reste ouverte, je souhaite qu’elle revienne sur sa décision » , confie le député Yves Cochet.

Derrière les effusions lyonnaises, c’est l’un des points de divergence les plus importants au sein du mouvement : s’il y a consensus pour laisser le mouvement « ouvert » , la frontière n’est pas stabilisée. Dany Cohn-Bendit a précisé les affinités politiques qu’il prête à l’écologie, clairement à gauche sur le terrain de la justice sociale. Mais sur les questions de démocratie, des droits humains, du réchauffement climatique ou de la préservation de la biodiversité, « pas plus de gauche que de droite »  : « Nous sommes plus intransigeants, qu’il s’agisse du respect des citoyens ou du rejet du productivisme ! »

Son leitmotiv : rassembler au-delà des divergences – y compris avec le Mouvement écologiste indépendant (MEI) d’Antoine Waechter (venu « seul » à Lyon), Génération écologie ou l’Alliance écologiste indépendante, proches du centre ou de la droite –, afin de « battre Sarkozy » . Depuis des mois, Cohn-Bendit en a fait un objectif stratégique afin de démonter la capacité des écologistes à former une coalition au-delà de la gauche, « sans demander aux gens d’où ils viennent mais ce qu’ils veulent faire avec nous. Il faut rallier ceux qui ne s’identifient pas à la traditionnelle lutte des classes » .
Pour Dominique Voynet, « Dany se trompe en évacuant le clivage gauche-droite. Par exemple, même si je m’en accommode, je ne me réjouis pas de la présence d’Antoine Waechter, il y a entre nous des différences peu réductibles pour le moment » . La sénatrice-maire de Montreuil (93), convaincue qu’il faut affirmer l’ancrage à gauche des écologistes, pourrait confirmer son grand retour dans l’arène écologiste nationale, tentée qu’elle est par le second poste de porte-parole du mouvement, aux côtés du député européen Yannick Jadot.

Le fonctionnement des institutions communes, lors des prochaines semaines, montrera rapidement si la confiance est réellement établie entre les militants de l’ex-parti Vert, créé il y a vingt-six ans, et les adhérents de l’ex-mouvement Europe Écologie, souvent dépourvus de culture politique. Un premier conseil fédéral (le parlement du mouvement) se réunira le 11 décembre pour définir le programme de travail des semaines à venir – résolution des points de statut en suspens, état des lieux des convergences et des divergences avec le Parti socialiste, préparation du premier congrès au printemps, désignation du représentant écologiste à l’élection présidentielle, etc.

Sur cette dernière question, Eva Joly et Yves Cochet, les deux principaux postulants, font assaut de camaraderie. L’ex-magistrate, qui remplissait les salles lors de la campagne des européennes de 2009, semble tenir la corde. Pourtant, son intervention assez soporifique, samedi dernier, commence à alimenter le doute sur sa capacité à endosser la lourde charge de candidate.
Lien de cause à effet ? Nicolas Hulot, cerise sur le gâteau de l’alliance, s’était annoncé à Lyon. Après une cure de silence médiatique de plusieurs mois, mais toujours auréolé du capital de sympathie le plus élevé en France parmi les personnalités écologistes, il a adressé aux militants des Verts et d’Europe Écologie un vibrant « chapeau et bravo » pour avoir fait la preuve que « composer n’est pas décomposer » . Nicolas Hulot, qui parle de « premier contact » , finit par tendre une perche hors tribune : « Je n’exclus rien [pour 2012], mais je ne suis pas certain qu’ils aient besoin de moi » . Yves Cochet a déjà annoncé qu’il retirerait sa candidature si Nicolas Hulot déclarait la sienne, mais qu’il devait faire vite.

[^2]: Samedi, le nouveau nom a été adopté avec 53 % des suffrages : 1 342 exprimés à Lyon, et 882 par Internet seulement, manque d’intérêt accentué par des problèmes techniques.

Politique
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