L’implacable réquisitoire

D’hier à aujourd’hui, une histoire de la photographie sociale.

Jean-Claude Renard  • 25 novembre 2010 abonné·es

Dans la fin des années 1850, l’asile impérial de Vincennes, conçu pour accueillir les ouvriers blessés, est caractéristique de la politique sociale paternaliste de Napoléon III. Des ouvriers de plus en plus nombreux, suant dans les ateliers et les chantiers de l’État. Ce cadre est l’objet d’une première commande pour Charles Nègre, peintre avant de se consacrer à la photographie, utilisée comme moyen documentaire. Dans une salle badigeonnée de chaux, Nègre fixe le ballet des médecins au-dessus d’un patient alité.
Peu après, Thomas Annan, graveur avant d’ouvrir un atelier de photographie, pointe son objectif sur les bas-fonds de Glasgow, au moment où la municipalité s’apprête à détruire les taudis dans lesquels vivent les ouvriers.

À l’instar du travail de Charles Nègre à Vincennes, le Glasgow de Thomas Annan est considéré comme le premier reportage social de l’histoire de la photographie. Elle est à peine née qu’elle suscite déjà l’intérêt des « documentaristes ». Suivront Petrovitch Dmitriev (la famine dans le bassin de la Volga), Jacob A. Riis (la misère à New York), ou encore Lewis Hine (les immigrants à Ellis Island). Tous s’appliquent à une photographie militante, avec la volonté de rendre compte, en faveur de leur sujet, « et de contribuer à la résolution des problèmes par le témoignage direct et l’action sur l’évolution des mentalités » , écrit Michel Christolhomme, dans cet ouvrage rassemblant ces photographes engagés « dans un impla­cable réquisitoire des impasses de la condition humaine » , de Werner Bischof à Josef Koudelka, de Walker Evans à Paul Strand, d’August Sander à Dorothea Lange.

Culture
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