Ne pas oublier Fukushima : 40 000 enfants équipés de dosimètres

Il ne faut pas oublier l’accident nucléaire de Fukushima. Ne pas oublier que les Japonais contaminés, de plus en plus nombreux, sont abandonnés à leur sort par leur gouvernement.

Claude-Marie Vadrot  • 4 juillet 2011
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Ne pas oublier Fukushima : 40 000 enfants équipés de dosimètres
© Photo : Toru Yamanaka / AFP

Les autorités japonaises viennent de décider d’équiper 40 000 enfants de la région de Fukushima de dosimètres individuels. Une décision sans précédent : à Tchernobyl, où la gestion des suites de l’accident n’a pourtant pas été parfaite, les autorités avaient fait le choix d’évacuer tout le monde. Au Japon, on se contentera donc « d’observer » la progression de la contamination des enfants de moins de 12 ans : ainsi, chaque soir, les parents pourront supputer les chances de leurs gosses de souffrir d’une leucémie, d’un cancer de la thyroïde ou de toute autre affection mortelle entraînée par les doses reçues. Pendant ce temps, le prix de l’eau en bouteille atteint des niveaux fantastiques dans les zones touchées.

Le rayon de 20 kilomètres voué à l’évacuation totale n’a toujours pas été modifié. Dans les 10 kilomètres suivants, la population est censée à la fois « rester confinée », vivre normalement et envoyer les enfants à l’école, munis d’un dérisoire masque de papier et donc du dosimètre. Pourtant, toutes les expertises indépendantes montrent que les trois réacteurs en fusion (peut-être aussi ceux qui n’ont toujours pas été remis en service) et les piscines endommagées continuent d’expédier de la radioactivité dans l’atmosphère. Comme il pleut souvent en cette saison, une large part de cette radioactivité est plaquée au sol et s’imprègne de plus en plus.

Une imprégnation qui dépasse largement les contours de la zone théoriquement interdite puisque des taches de radioactivité importantes ont été décelées jusqu’à 120 kilomètres de la centrale, aussi bien vers le Nord-Ouest que vers le Sud-Ouest. En fait, des milliers de kilomètres carrés du Japon (la zone interdite de Tchernobyl en Ukraine mesure 2800 kilomètres carrés) sont en train de devenir radioactifs pour des siècles.

La surface contaminée de la mer, elle, augmente d’autant plus vite que les tentatives de décontamination de l’eau répandue dans les bâtiments de réacteurs, proposées « généreusement » par Areva, ont pour l’instant échoué. Le procédé consistant à « précipiter » la radioactivité avec des éléments chimiques pour ne rejeter en mer que de l’eau « relativement peu contaminée », commencé le 17 juin, a dû être arrêté au bout de quelques heures. Tout simplement parce que la radioactivité contenue dans l’eau est tellement importante que le système sature rapidement. Toutes les tentatives pour modifier le déroulement de ce traitement chimique semblent avoir échoué puisque Areva et Tepco restent silencieux… Et les déversements en mer ont repris depuis la fin du mois de juin.

Aux antinucléaires qui se multiplient et se mobilisent, à l’opinion publique qui s’inquiète, le gouvernement japonais fait désormais passer un message complaisamment relayé par les médias : si nous renonçons au nucléaire, les factures d’électricité vont augmenter. Un argument qu’Areva et Nicolas Sarkozy ne renieraient pas.

Écologie
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