Jean-François, arrive ici…

Joseph Beauregard  • 6 octobre 2011 abonné·es

Jean-François, arrive ici, il faut que je te parle deux minutes. Tu le sais, « la vérité n’est jamais amusante, sinon tout le monde la dirait » , je vais donc encore une fois me sacrifier. C’est quoi ce pataquès à l’UMP ? Alors comme ça, tu as suspendu l’ex-conseiller de Scarface alors qu’il a déposé une liste concurrente à celle de notre beau parti aux élections sénatoriales et qu’il a réussi à se faire élire ? Écoute, Jean-François, je sais que tu marches aux sentiments, que tu voulais être éducateur de rue et que finalement, à contrecœur, tu es devenu maire, député et avocat d’affaires, mais j’ai trouvé ça très faible et trop monotone, ta réaction. On dirait du Bayrou.

Je pensais que tu allais prendre une décision qui aurait du panache, quelque chose qui fasse froid dans le dos des cadres et inspire du respect aux militants, mais non, rien. Tu as pensé aux législatives de l’année prochaine ? Attention Jean-François, je sais que tu connais ton boulot sur le bout des doigts de ma main droite, mais tu es sur la mauvaise pente, tu faiblis, tu vieillis, tu ramollis. Tu sais comment ils t’ont surnommé les charlots de la Droite populaire ? Sœur Emmanuelle ! Et tu sais comment finissent ceux qui marchent aux sentiments ? En psychiatrie, ensuite sous un pont, et pour finir sous un train !

Qu’est-ce que tu attends avec Rachida ? Tu veux qu’elle soit maire de Paris ? Qu’on soit tous habillés en Dior ? Qu’on marche avec des escarpins ? Tu as entendu comme moi qu’elle soutiendrait Scarface à la présidentielle en fonction de son programme et de son projet ? ! Et le Patrick du 92 qui en remet une couche ! Si c’est pas une provocation ? Le début d’un putsch ? Eh bien je te demande ce que c’est ! Et dire que je connais un ancien dirigeant du RPR qui les aurait obligés à aller demander pardon à genoux. Couchés ! À sa botte ! Sa férule !

Et Michèle, tu l’as entendue ? Il paraît qu’elle fera « tout » pour la réélection de Scarface. T’as pas encore compris qu’elle cherche son dernier soupir ? Tu vois pas qu’elle veut faire sombrer l’UMP comme un vieux cargo à la dérive ? Et Monseigneur du Futuroscope, tu as vu son cinéma pour quelques pourcents ? Le tabac qu’il a fait en s’opposant à Scarface ? Et Christian de Nice, sais-tu qu’il veut ton poste ? On peut dire que tu en mets du temps, pour les liquider. Qu’est-ce que c’est que ces simagrées ? Jean-François, tu es assis sur un fauteuil confortable depuis trop longtemps, réveille-toi, serre les poings, bats-toi et arrête de nous parler d’amour.

Et Hervé et François, tu vas quand même pas me dire que tu peux pas les réduire façon puzzle ? Je t’en foutrais du Nouveau Centre et du MoDem ! Je ne te demande pas un remake du débarquement de Normandie mais juste une bonne vieille baston avec des nez cassés, des bras brisés, des côtes défoncées. Je veux des coups de latte, du sang. Des larmes !

Pour Dominique, faut-il que je m’en occupe ? Tu veux pas l’envoyer comme ambassadeur en Syrie, qu’on se débarrasse de ce mec qui nous parle comme si Rimbaud était encore vivant ? Tu veux que ta secrétaire particulière et ta femme tombent amoureuses de lui ? Que les députés te conspuent dans l’hémicycle ? Que les habitants de Meaux te sifflent ? Si ça continue, il faudra me laisser quitter l’UMP gentiment, Jean-François. Tu veux que je te dise, si ma femme me laissait encore sortir la nuit, j’irais balancer des cocktails Molotov et des pavés au siège de l’UMP pour hurler mon ­découragement. Et je ne suis pas seul, faut pas oublier ça, Jean-François.

Et la belle Rama, quand vas-tu lui faire sa fête ? Elle vous a tous rendus chèvres à l’UMP. Maintenant qu’elle est partie, on est un parti de gros ringards ! J’ose même plus sortir ma carte quand je vais au restaurant ! La seule bonne nouvelle, c’est les menaces de mort proférées par Scarface à l’encontre de Jean-Louis et sa tête d’oxygène, qui a immédiatement compris qu’il était plus sage de renoncer à la présidentielle pour consacrer son temps libre aux copains. C’est comme ça que tu dois faire, c’est pas compliqué !

Tu te souviens quand même que tu as été ministre ? Tiens, regarde, cette photo de toi quand tu étais au Budget et porte-parole du gouvernement. Tu vois cette joie de vivre ? Je ne veux pas que tu crèves, Jean-François, je ne veux pas te laisser partir. Pas tout de suite. Pas maintenant. Pas comme ça. Dans quelques années, certes, tu peux me croire, mais pas maintenant, tu es encore jeune, je veux du rab, comme à la cantine quand il y a des frites. Tu peux comprendre ça ?

Remue-toi un peu les méninges, arrête de contrôler tes pulsions et deviens le Raoul Volfoni de l’UMP : tu discutes plus, tu flingues. Tu sais bien que « dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y’a des statistiques là-dessus » . Tiens, tu sais à quoi je pense ? Je vais t’offrir un petit manuel de savoir-vivre : la Kalachnikov pour les nuls. Bien sûr, ce n’est pas du Kawabata, mais tu verras, ça va te donner des idées…

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