Cocasse concasseur

La dernière absurdité de Roland Dubillard : mourir.

Gilles Costaz  • 22 décembre 2011 abonné·es

Roland Dubillard s’en est allé le 14 décembre à 88 ans, prouvant une dernière fois que le terme «  absurde  » n’est pas un vain mot. Un temps mis au second plan par les grands maîtres du genre, Ionesco, Beckett, il était revenu sur le devant de la scène, bien qu’immobilisé sur un fauteuil roulant.

C’est qu’il n’y a rien de plus drôle que ses Diablogues, et les titres de ses pièces sont à eux seuls des enchantements : Où boivent les vaches, le Jardin aux betteraves, Chiens de conserve, Naïves Hirondelles. Dubillard est l’un des rares auteurs de théâtre populaires. La preuve : on trouve son œuvre en collection de poche (chez Folio).

On sait que tout est parti de la radio, d’une émission appelée « Grégoire et Amédée », où le jeune Dubillard tenait les dialogues les plus insensés. Il les poursuivait sur scène, souvent avec Claude Piéplu, et à sa table de travail, doublant son écriture dramatique d’une rédaction régulière de Carnets aux propos étonnants. Jean-Michel Ribes, qui est l’un de ses disciples, a été l’un de ses metteurs en scène les plus fidèles.

Roland Dubillard est un écrivain métaphysique involontaire. Il ne cherche pas à donner une vision du monde. Celle-ci lui a été donnée une fois pour toutes et il erre sur la Terre comme on pourrait vaguer sur la Lune. Rien n’a le sens prescrit, les choses, les mots, les relations humaines ne sont plus ce qu’on croit. Nos vérités ne sont justes que si on leur met la tête à l’envers. Ce concasseur cocasse avait du génie.

Théâtre
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