Terzieff derrière le mythe

Série d’événements
pour le premier anniversaire de la mort d’un acteur et penseur de théâtre d’exception.

Gilles Costaz  • 15 décembre 2011 abonné·es

Il y a plus d’un an, le 3 juillet 2010, Laurent Terzieff, âgé de 75 ans, s’en allait. Souvent, il avait été en état de survie. Il s’alimentait peu, vivait dans une passion quelque peu immatérielle. Parfois, il jouait au théâtre puis passait la nuit à ­l’hôpital, exerçant son métier avec un courage qu’on ne soupçonnait pas toujours. En 2010, il n’avait pu réaliser son dernier projet : jouer avec Marthe Keller, Philippe Laudenbach et Benjamin Bellecour Si tu avais su , de Terence Rattigan. La mort a frappé en plein été.

Le temps des hommages est venu, pour compenser une absence cruelle pour beaucoup. On trouvera de belles images dans la précieuse exposition du Lucernaire et sous les arcades de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, où l’acteur a joué, avec le TNP de Villeurbanne, son dernier rôle : Philoctète tel que l’avait réinventé le poète Jean-Pierre Siméon.

Avec un personnage de cette importance, l’admiration éveille des questions d’historien. Qui était-il ? Un acteur dont les créations à l’écran demeureront dans la mémoire collective ? Un penseur du théâtre dont la réflexion demeure vive ? Un livre réunissant des textes inédits ou publiés mais dispersés permet de répondre partiellement à ces interrogations. Des témoins aussi peuvent éclairer cette mise en perspective.

Philippe Laudenbach, par exemple, qui, malgré sa grande carrière cinématographique, a participé pendant quarante ans à la vie de la compagnie Terzieff, aux côtés de Pascale de Boysson et quelques autres. Il se souvient qu’il a connu Terzieff en 1970, grâce à Yves Gasc. Célèbre, l’interprète des Tricheurs de Carné et de certains films de Pasolini cherchait un comédien pour un remplacement…

•-Laurent Terzieff, du visible à l’invisible, exposition au Lucernaire, Paris, 14 h-22 h, jusqu’au 1er janvier.

•-Cycle Laurent Terzieff au cinéma, Lucernaire, Paris, jusqu’au 20 décembre, 20 h 30.

•-Laurent Terzieff, découvreur d’auteurs, soirée conçue par Lucien Attoun, Lucernaire, Paris, le 6 février, 20 h.

•-Laurent Terzieff et ses poètes, soirée composée par Jean-Pierre Siméon et Christian Schiaretti, TNP, Villeurbanne, le 5 mars, 20 h.

•-Laurent Terzieff sur France Culture, les 11 et 18 mars, 21 h-23 h.

•-Le livre : Cahiers de vie de Laurent Terzieff, établi par Danièle Sastre, Gallimard, 388 p., 24 euros.

De Terzieff, Laudenbach trace un portrait où la réalité rejoint la légende : « Laurent se sentait toujours investi d’une mission, comme “capo comico”, chef de troupe. Il la remplissait avec une grande pureté, une grande intégrité. Il n’était pas tourné sur lui-même. Il ne cherchait qu’à servir l’auteur. Très tendu pendant les premières représentations, il était inquiet, aimait aller humer la salle, puis, les jours suivants, jouait pleinement avec ses partenaires. Comme metteur en scène, il était extrêmement concret. Ce n’est qu’au café qu’il partait dans des considérations plus abstraites et brillantes, ou bien riait des plaisanteries que nous faisions. Il respirait dans la dimension poétique et il a autant servi la poésie que le théâtre. Au cinéma, il a été un acteur important, mais plus en Italie qu’en France. »

Terzieff écrivait beaucoup, surtout pour lui-même. L’ouvrage qui vient de paraître, et qui n’est pas ­fondamentalement plus riche que les livres d’entretiens qu’on connaît, tel Laurent Terzieff seul avec tous , par Marie-Noëlle Tranchant (Presses de la Renaissance, 2010), a l’originalité de regrouper des textes connus et inconnus, dont beaucoup dormaient dans l’appartement de l’acteur.

Pour constituer ces Cahiers de vie , Danièle Sastre a effectué un gros travail de défrichage. On y trouve de très belles choses mais on reste perplexe devant l’absence de références claires. Il semble que divers textes aient été collés en un seul. Les notes ne sont pas systématiques. Le chapitre relatif à la vie intime (avec des majuscules remplaçant le nom des personnes dont il est question) n’aurait jamais dû y figurer.

Et que sont ces listes de courses et de rendez-vous ? Terzieff vaut mieux que cela. « J’aime bien qu’on me donne peu d’argent, car ça me laisse libre » , dit-il dans ces carnets, en parlant des subventions attribuées à sa compagnie. Merveilleux homme, égal à son mythe !

Théâtre
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