Message chrétien contre FN

Les thèses nationalistes sont incompatibles avec les valeurs catholiques, nous disent un évêque et un député.

Michel Soudais  • 26 janvier 2012 abonné·es

La montée en puissance de Marine Le Pen n’épargne pas les catholiques pratiquants, naguère rétifs à voter pour l’extrême droite. C’est d’abord à eux que s’adresse l’essai d’Étienne Pinte et de Jacques Turck. Ancien maire de Versailles, député UMP connu pour ses positions humanistes en faveur des migrants notamment, Étienne Pinte – qui ne se représente pas aux législatives – préside également le Conseil national des politiques de lutte contre l’exclusion et la pauvreté. Attaché à la paroisse d’Issy-les-Moulineaux, Mgr Turck a dirigé quant à lui le Service national famille et société de la Conférence nationale des évêques de France.

Face au discours de l’extrême droite, le catholique engagé en politique et l’homme d’Église refusent de se taire. Leur propos n’est certes pas l’expression du point de vue officiel de l’Église sur le Front national. Laïcité oblige, l’Église ne donne pas de consignes de vote ; elle se contente de rappeler régulièrement ses valeurs et sa doctrine sociale. Ce faisant, elle s’est tout de même beaucoup exprimée sur l’extrême droite. Et si ses positions ont été peu médiatisées ou oubliées, le mérite de ce petit livre est de les rappeler, pour mettre les citoyens, de culture chrétienne ou pas, face à leur responsabilité.

En cinq chapitres, les auteurs confrontent les principales thèses et propositions de l’extrême droite au projet de fraternité porté par les Évangiles et à la réflexion des Églises chrétiennes et des autres religions. La fermeture des frontières et le repli sur soi frontiste, qui ne sont pas sans écho dans les rangs de l’UMP, heurtent la conception chrétienne d’un monde où « nous sommes tous “solidarisés” ». Au « nationalisme de retranchement », qualifié d’« extrême-France », ils opposent une homélie de l’archevêque de Rennes, Vertu du patriotisme et péché du nationalisme. Ils dénoncent l’« approche ultranationaliste » de l’extrême droite en politique étrangère, qui la conduit à soutenir des dictatures, quand les évêques de France saluent « l’immense progrès vers la paix et le développement des peuples que constitue la création d’institutions internationales spécialisées ».

Contre le rejet de l’islam, ils rappellent les positions constantes des plus hautes autorités catholiques depuis Vatican II, qui dénoncent non moins régulièrement la situation faite aux migrants. « L’extrême droite utilise des symboles de la foi chrétienne pour les instrumentaliser au service de sa cause », déplorent-ils en pointant plusieurs valeurs chrétiennes bafouées par le FN, notamment le refus de la peine de mort ou la promotion du partage comme condition du vivre-ensemble.

Certaines analyses de cet essai, qui reprend en les actualisant bien des aspects d’un ouvrage ancien du journaliste Xavier Ternisien[^2], sont agaçantes – c’est le cas de l’abus du concept fourre-tout de « populisme ». Mais on sait gré aux auteurs d’ouvrir de manière raisonnée et argumentée un débat trop négligé jusque-là.

[^2]: L’Extrême Droite et l’Église, Xavier Ternisien, Brepols, 1997.

Idées
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