Années vraiment folles

Du Victor de Vitrac
à la Donata de Pirandello, deux pièces sur les doutes
de l’entre-deux-guerres.

Gilles Costaz  • 15 mars 2012 abonné·es

Victor ou les enfants au pouvoir, c’était en 1928. Proche du groupe surréaliste, Roger Vitrac imaginait la journée folle d’un enfant de 9 ans, Victor, qui, à l’occasion de son anniversaire, inverse la fête organisée par sa famille et sème une perturbation générale avant de mourir le soir même. C’est, d’abord, un ­guignol antibourgeois, antimilitariste et anticlérical, que l’auteur a situé en 1909 pour bien indiquer que c’est au monde imbécile d’avant 1914, fauteur de grande guerre, qu’il s’en prenait.

En transposant la situation aujourd’hui, Emmanuel Demarcy-Mota tente une actualisation qui ne convainc pas, d’autant plus qu’il donne aux personnages des déchirures profondes, un peu « psy », qu’à l’exception de Victor ils n’ont pas.

Dans un beau décor de plus en plus inquiétant d’Yves Collet, les acteurs, Thomas Blanchard, Hugues Quester, Élodie Bouchez, Laurence Roy, Serge Maggiani, Anna Kaempf et bien d’autres jouent crûment cette comique mise à mort. Mais ne complique-t-on pas trop ici ce qui est avant tout une baraque de tir forain ?

Se trouver se situe en 1932. Luigi Pirandello s’en prenait autrement aux certitudes de la société bourgeoise. À travers le destin de l’actrice Donata, il montrait à ses contemporains qu’il n’y avait pas une vérité, mais une multitude de vérités qui rendent l’être humain changeant, insaisissable et livré à la douleur de ne pas « se trouver » au milieu de tous ses visages. Pour une actrice, passant sans cesse d’un rôle à l’autre sur scène comme dans la vie, l’épreuve de vivre est infernale, du moins dans cette trame où Donata cherche dans le théâtre et dans l’amour une vérité toujours fugitive.

La mise en scène de Stanislas Nordey est, comme l’écriture de Pirandello, assez théorique, avec cette obligation faite aux acteurs de jouer le plus souvent en direction du public. Mais cette raideur, qui n’est pas incompatible avec un réel dynamisme, est compensée par le charme romanesque du climat et la fine sensibilité des acteurs qui semblent toujours lutter contre un mystère insoluble, Emmanuelle Béart, Vincent Dissez, Frédéric Leidgens. Là est le rétro qui nous touche le plus.

Théâtre
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