La facture fiscale de Sarkozy

L’Union syndicale Snui-SUD Trésor a dressé le bilan fiscal du quinquennat, montrant que la volonté du Président de ne pas augmenter les prélèvements a aggravé les injustices.

Thierry Brun  • 29 mars 2012 abonné·es

Baisser les impôts ou ne pas les augmenter, cette promesse présidentielle a été la plus martelée de la mandature. À la lecture du bilan fiscal du quinquennat de Nicolas Sarkozy réalisé par le Snui-SUD Trésor, principale organisation syndicale du ministère des Finances[^2], ce credo néolibéral est à classer dans le nombre très restreint des promesses tenues. Le « Président des riches » peut affirmer sans être contredit qu’il n’y a pas eu durant la législature de véritable hausse du niveau général des prélèvements obligatoires. Le dogme du « moins d’impôt » est donc réalité : le niveau général des prélèvements obligatoires est stable depuis plusieurs années et se situe autour de 43,5 % du PIB. Contrairement aux idées reçues, l’impôt sur le revenu (IR) en France, qui représente moins de 3 % du PIB, est l’un des plus faibles des pays européens.

Mais il ne faudra pas compter sur les syndicats des impôts pour s’en féliciter, qui, à l’occasion de chaque fin de législature, dressent un bilan fiscal. « On a assisté à de profonds changements dans la structure du système fiscal » , relève le Snui-SUD Trésor dans son bilan. Entre 2007 et 2012, certains prélèvements ont baissé, notamment sur le patrimoine et les entreprises, tandis que d’autres ont augmenté, comme la TVA, « l’impôt gagnant de la fin du quinquennat » , dont la hausse représentera au total 13 milliards d’euros en année pleine, et pèsera « proportionnellement plus lourdement sur les ménages des classes modestes et moyennes ».

Le choix d’alléger l’imposition locale des entreprises, notamment en remplaçant la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale (dont le rendement sera inférieur de près de 5 milliards d’euros à celui de l’ancienne taxe professionnelle), a par ailleurs conduit les élus à alourdir les impôts locaux des particuliers.

« De tels changements structurels ne sont pas neutres, loin s’en faut : ils ont même aggravé le déséquilibre et l’injustice du système fiscal » , souligne le syndicat. Ainsi, au plus fort de la crise, au moment des choix en matière de rigueur budgétaire, la fiscalité du patrimoine a été maintenue aussi basse que possible, et « la hausse de la charge fiscale des plus aisés a été limitée au maximum » . La seule fiscalité du patrimoine, en particulier le bouclier fiscal et la loi Travail, emploi et pouvoir d’achat (Tepa), a été très avantageuse pour les plus aisés et a coûté à l’État 20 milliards d’euros : ces mesures « ont contribué à creuser les déficits publics et pèsent aujourd’hui lourdement dans la dette publique ». Le ­syndicat remarque aussi que le rôle des baisses d’impôt et des cotisations sociales dans l’accroissement de la dette est trop souvent minoré dans le débat public. « C’est une erreur car elles pèsent lourdement dans l’accroissement de la dette publique. » Les baisses successives des taux du barème de l’IR, intervenues dans les années 2000, ont un coût budgétaire «  brut  » cumulé de 160 milliards d’euros entre 2000 et 2012.

L’IR a, lui, connu des hausses très discrètes pesant sur les classes modestes et moyennes, avec notamment le gel de son barème cette année et en 2013. Il se traduira par une hausse d’impôt pour l’ensemble des contribuables imposables (plus de 19 millions de foyers fiscaux) et par l’imposition de dizaines de milliers de foyers qui jusque-là ne l’étaient pas. Il faut ajouter à ces hausses « l’imposition de la moitié des indemnités journalières » versées en cas de maladie et « le durcissement des conditions pour bénéficier de la demi-part attribuée aux parents isolés, qui devrait rapporter 900 millions d’euros en 2013 » . Cette dernière mesure concernera au moins deux millions de contribuables, dont beaucoup de femmes seules avec enfants…

Le Snui-SUD Trésor rappelle aussi les effets pervers du relèvement de l’imposition des revenus du capital, souvent invoqués à tort comme une hausse pour les plus aisés. 16 millions de foyers qui déclarent des revenus de capitaux mobiliers issus de placements de type « compte épargne logement » , essentiellement des classes moyennes, en feront les frais.
La France n’est pas seulement un paradis pour les riches, elle est aussi un enfer pour les classes populaires. La cohésion sociale est brisée : l’impôt selon Nicolas Sarkozy ne tire plus sa légitimité de sa contribution au financement des services publics et du soutien à l’activité économique.

[^2]: 2007-2012, bilan fiscal du quinquennat, Union Snui-SUD Trésor Solidaires. Téléchargeable gratuitement : http://snuisudtresor.fr/gen/cp/dp/dp2012/120321Bilanfiscal_quinquennat.pdf

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