Sarkozy l’enfumeur

Le candidat sortant a tardivement présenté son programme.
Les mesures anecdotiques masquent mal l’hyperlibéralisme de l’ensemble.

Michel Soudais  • 12 avril 2012 abonné·es

Dans une démocratie, il est difficilement concevable qu’un candidat s’abstienne de présenter son programme. Nicolas Sarkozy a néanmoins tout fait pour retarder l’échéance. Et ce n’est qu’à dix-sept jours du scrutin que le candidat sortant s’est résolu à sacrifier à ce qui est, à ses yeux, une contrainte. L’exercice ne fut pas des plus brillants. Car, ce jour-là, Nicolas Sarkozy n’avait dans sa besace de farces et attrapes qu’une seule proposition nouvelle : payer les retraites le 1er du mois au lieu du 8.

Cette mesure symbolique, qui entrerait en vigueur le 1er juillet, permettra de « réparer une injustice », assure M. Sarkozy, soucieux de choyer une catégorie d’âge qui lui reste très favorable. « Alors que les retraités doivent faire face à des échéances pour la plupart qui tombent le 1er de chaque mois, les pensions de retraite ne sont versées que le 8, ce qui met beaucoup de retraités, notamment les plus modestes, dans une situation difficile », a-t-il expliqué.
La mesure profitera également aux établissements financiers. Car, pour avancer le versement des pensions, l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) va devoir emprunter sur les marchés chaque mois environ 10 milliards d’euros, en attendant l’arrivée dans ses caisses de la collecte des Urssaf, le 5 du mois. Selon le ministre du Travail, Xavier Bertrand, le coût des emprunts pourrait avoisiner les 200 millions d’euros par an. 


Les 31 autres propositions figurant dans « La lettre au peuple français », que le candidat a rendue publique à cette occasion, étaient déjà connues, qu’il s’agisse de solliciter les Français par référendum « pour surmonter les blocages » (appréciation qui reste à la discrétion de Nicolas Sarkozy), d’obliger « les bénéficiaires du RSA à effectuer 7 heures d’activité d’intérêt général par semaine », ou de « réduire de moitié l’immigration ». Leur compilation a toutefois le mérite de rendre visibles les lignes de force d’un projet très néolibéral. Figurent ainsi parmi les tout premiers objectifs : la flexibilité du travail, avec la possibilité donnée aux entreprises de conclure, avec les représentants des salariés, des accords sur le temps de travail et l’emploi ; la suppression d’une norme économique sur deux (sur le modèle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite) ; l’exonération de charges patronales pour l’embauche des plus de 55 ans ; l’allégement de celles pesant sur le travail de 14 millions de salariés (et leur transfert sur la TVA)… Dans le chiffrage de son projet, Sarkozy ne cache pas sa volonté de mettre à contribution la Sécurité sociale et les collectivités locales pour « revenir à l’équilibre de nos comptes publics dès 2016 ».

Le débat ne risque toutefois pas de s’appesantir sur l’austérité que nous promettent ces mesures. Ce week-end, Nicolas Sarkozy a sorti de son chapeau la promesse d’une énième réforme du permis de conduire. Celle qu’il avait déjà lancée en 2007 n’a pas eu le succès attendu. Qu’importe. Derrière l’écran de fumée, les ficelles du prestidigitateur disparaissent.

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