Un bel exemple, assurément

Sébastien Fontenelle  • 27 septembre 2012 abonné·es

Ce samedi, non loin de vers 15 heures, je m’attable à une terrasse de près de la place Léon-Blum, à Paris, je commande un café, j’allume une cigarette (la première depuis que j’ai, quelques heures plus tôt, définitivement arrêté de fumer), et je déplie le Monde, que je viens juste d’acheter. (J’espère que tu aimes, quand je te raconte ma vie trépidante ? Non parce que si t’aimes pas, tu peux toujours écrire au Figaro pour te plaindre.)

Et là, que lis-je à l’Une ? Je lis que « l’Iran participe à la répression en Syrie ». Plus précisément : « Téhéran s’engage de plus en plus ouvertement auprès de Damas pour sauver son principal allié arabe », en lui envoyant des « hommes » et des « armes ». Et d’ailleurs : le chef des pasdarans lui-même a confirmé, le 16   septembre [^2], qu’il apportait une « aide non-militaire » à ses teupos syriens. Turellement : le Monde trouve ça pas bien du tout – et nous non plus – d’aider ainsi un régime « enfermé dans une répression sanglante ».

Mais, en vérité, ça nous dit aussi que la République islamique d’Iran, loin d’être si drastiquement « antiaméricaine » qu’on le prétend parfois, a, tout au contraire, complètement intégré l’une au moins, et non des moindres, des règles de base de la démocratie participative made in USA – celle, tu sais, dont un bruyant chœur de bardes médiatiques (avec aussi des gros bouts de Pierre Lellouche) nous chante depuis des temps presque immémoriaux qu’elle est la meilleure amie de l’humanité.

Puisque, en effet, durant d’interminables décennies, l’Oncle Sam a fait partout dans le monde exactement la même chose que ce que l’Iran fait aujourd’hui en Syrie. Dans toute l’Amérique latine, par exemple : les États-Unis se sont, après la Seconde Guerre mondiale, (de plus en plus) ouvertement engagés auprès de régimes néofascistes particulièrement abjects, et leur ont envoyé par milliers, pour les aider à contenir la « menace communiste », des armes et des hommes – combattants et instructeurs. (Dans certains cas, même, il s’est vu que les Yankees, pour financer au Nicaragua une guérilla d’ultradroite, ont discrètement vendu des armes aux Iraniens, dont ils déplorent aujourd’hui l’âpreté.)

Cet engagement de Washington auprès de brutes sanguinaires a fait, dans les années 1980 et dans cette seule région du monde (nous parlerons une autre fois de l’Asie du Sud-Est), plusieurs centaines de milliers de victimes – massacrées au nom de la défense d’un way of life dont chacun(e) fut sommé(e) d’admettre qu’il eût été gravement menacé par la trop définitive émancipation de la paysannerie guatémaltèque. Les instigateurs nord-américains de cette gigantesque boucherie furent-ils inquiétés, lorsqu’elle fut connue ?

Que nenni. Les élites occidentales continuent de les portraiturer en meilleurs amis des libertés : un bel exemple, assurément.

[^2]: Qui est le jour de mon anniversaire, soit dit en passant : me l’eusses-tu souhaité que nous fussions restés ami(e)s.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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