Une télé low cost

Une redevance à peine augmentée et un service public précarisé. Telle est l’ordonnance du gouvernement.

Jean-Claude Renard  • 4 octobre 2012 abonné·es

Dix-sept euros. C’est l’augmentation de la redevance que proposait la Société civile des auteurs multimédia (Scam) à l’occasion de ses premières Assises, le 24 septembre. Une augmentation progressive sur cinq ans : 5 euros en 2013, puis 3 euros par an pendant quatre ans (hors inflation). Avec un élargissement aux résidences secondaires, ces 17 euros permettraient de compenser les 450 millions d’euros qui manquent dans les caisses de France Télévisions. Un trou correspondant à la suppression de la publicité après 20 heures, qui ne sera plus compensée ni par l’État ni par une taxe sur les fournisseurs d’accès, que Bruxelles devrait annuler en février prochain. « Quel que soit l’état de la crise, déclarait Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur et président de la Scam, le monde politique doit comprendre et faire savoir aux Français que l’excellence et la survie de la culture et de la création valent bien dix-sept euros de plus. » Fixée à 125 euros, la redevance en France est l’une des plus basses d’Europe. Au Royaume-Uni, elle s’élève à 170 euros. Elle est de 216 euros en Allemagne et de 309 euros au Danemark. Pour Jean-Xavier de Lestrade : « Il faut que ce gouvernement se décide à adopter une mesure que ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage de prendre. »

Rappelons la situation de France Télévisions : une dotation publique de 2,5 milliards d’euros (pour 2012), composée principalement de la redevance (2,08 milliards d’euros) ; un manque à gagner cette année de 55 millions d’euros de revenus publicitaires ; un plan social qui doit pousser au départ plus de 500 personnes ; et, pour 2013, une baisse des ressources publiques d’environ 3 %, dans le cadre du redressement des finances nationales. Le gouvernement a finalement tranché : 2 euros d’augmentation pour la redevance, ce qui fera entrer 50 millions d’euros dans les caisses de France Télévisions. À l’évidence, le compte n’y est pas. Loin d’un financement pérenne. Président de la Commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale, Patrick Bloche s’était lui aussi prononcé en faveur d’un élargissement aux résidences secondaires. Sa proposition n’a pas été retenue. Elle pourrait revenir à l’automne sous la forme d’un amendement. On peut l’espérer. Il est certes gênant de créer une taxe supplémentaire en période de crise – ne serait-ce que de 17 euros (encore que le projet de la Scam se veut gradué sur un quinquennat). Car la redevance est un impôt injuste : y sont assujettis au même tarif les plus pauvres comme les plus riches. Il existerait une autre proposition à faire : instaurer une redevance au prorata des revenus. Elle est peut-être plus compliquée à mettre en place, elle demande surtout du courage. Et pas celui d’un crabe.

France Télévisions soumis à un régime drastique, c’est forcément l’ensemble de la création audiovisuelle qui va trinquer, puisque le groupe assure 45 % de la production de documentaires sur l’ensemble du petit écran français. Une création d’autant plus malmenée quand on observe les dysfonctionnements du système : « Avec la multiplication des chaînes, observait Jean-Xavier de Lestrade, nous assistons au développement d’une production que nous pourrions qualifier de low cost. Ces programmes, souvent abusivement qualifiés de documentaires, bénéficient du soutien du CNC à travers le Cosip [^2]. Des exemples : NRJ12, 101 heures de documentaires ; Seasons, 84 heures ; Equidia Life, 70 heures. Pour un financement moyen de 25 000 euros de l’heure ! » Plus de dix millions d’euros vont ainsi dans les caisses de la TNT. Des sommes perçues par un secteur privé qui profite du fourre-tout représenté par le documentaire sans avoir à remplir les obligations légales liées à la création auprès du CNC comme du CSA. On est là dans le détournement. Au détriment du service public. Le CNC ferait bien de créer une commission plus vigilante sur le documentaire. À regarder les grilles télé, il y a urgence.

[^2]: Compte de soutien aux industries de programmes.

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