Palestine, le coup d’après

La Palestine obtient le statut d’État observateur non membre de l’ONU : une victoire symbolique qui pose la question de la suite.

Denis Sieffert  • 30 novembre 2012
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Palestine, le coup d’après
© Photo : AFP / ABBAS MOMANI

Après tant de revers, l’Autorité palestinienne vient enfin de connaître un vrai succès diplomatique. En obtenant pour ce pays perpétuellement en devenir un statut d’État observateur non membre de l’ONU, Mahmoud Abbas a repris position sur une scène internationale d’où l’action conjointe d’Israël et du Hamas l’avait chassé.

Certes, sa victoire n’a, en soi, aucune conséquence sur la réalité humaine et territoriale du conflit. Elle est, dans un premier temps, symbolique et politique. Mais les Palestiniens auront pu mesurer la sympathie dont ils jouissent, surtout dans les pays du sud. En recueillant 138 voix contre 9 et 41 abstentions, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, ils trouvent confirmation que leur cause a toujours une portée universelle. Et, symétriquement, les dirigeants israéliens auront pu prendre conscience de l’hostilité que suscite leur irascible politique coloniale.

Les mesures de rétorsion économique

Il n’est évidemment pas indifférent que quelques grandes puissances occidentales aient soutenu la demande palestinienne. La France, en premier lieu, et après bien des atermoiements élyséens, a finalement tenu son rang. Il faut sans doute en savoir gré à Laurent Fabius. Il n’est pas sûr cependant que le ministre des Affaires étrangères aurait gagné la partie sans l’action résolue d’un certain nombre d’associations et de personnalités qui ont œuvré dans l’ombre. Quoi qu’il en soit, la question est maintenant, le coup d’après.

Les dirigeants israéliens le savent si bien qu’ils ont décidé de garder en réserve les mesures de rétorsion économique dont ils avaient menacé Mahmoud Abbas si celui-ci allait au bout de sa démarche devant l’Assemblée générale de l’ONU. Il l’a fait et les Israéliens n’ont pas mis leur menace à exécution. Il s’agit bien plus d’un repli tactique que d’un renoncement. Car ce qu’ils craignent par-dessus tout, c’est que les Palestiniens usent de leur nouveau statut pour porter le conflit devant la Cour pénale internationale. Celle-ci peut être saisie dans le cas de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, ou tout simplement, pour fait colonial.

Après l’offensive israélienne contre Gaza, fin 2008, début 2009, les Palestiniens avaient demandé au procureur du CPI d’ouvrir une enquête. Le statut de la Palestine ne permettait pas à l’époque à cette démarche d’aboutir. Du moins, en regard du rapport de force international. Les choses sont différentes depuis ce 29 novembre. Que se passerait-il si l’Autorité palestinienne décidait d’agir sur ce terrain ? Ne doutons pas qu’Israël lui en donnera, hélas, l’occasion sans tarder. Israël tenterait de frapper l’Autorité palestinienne au portefeuille, et les États-Unis agiraient de concert. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou pourrait notamment geler le transfert des droits de douane et de TVA prélevés sur les produits qui transitent par les ports et aéroports israéliens. Les dirigeants israéliens l’ont déjà fait. Ils pourraient aussi couper tout ou partie de l’électricité, voire même, comme ils en brandissent la menace, limiter l’approvisionnement en eau déjà massivement détourné au profit des colons.

Dans tous les cas, ces mesures déclencheraient une catastrophe humanitaire. Les Israéliens peuvent-ils se le permettre ? Quelle serait, dans cette hypothèse, l’attitude de la « communauté internationale » ?

La France, face à ses contradictions

C’est ici que l’on en revient à l’importance du vote français. Les pays qui se sont abstenus, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont argué, avec beaucoup d’hypocrisie, qu’ils craignaient les représailles israéliennes. C’est pour le « bien » des Palestiniens qu’ils n’ont pas voté leur résolution… C’est au nom de ce même argument que François Hollande avait semblé opter, lui aussi, pour l’abstention. Il est vrai que le vote positif de la France l’engage pour l’avenir. On ne comprendrait pas que les États qui ont décidé d’accorder ce statut à la Palestine lui interdisent ensuite d’en user comme c’est désormais son droit. On ne comprendrait pas que ces États admettent qu’un jour l’Autorité palestinienne soit sanctionnée parce qu’elle fait valoir normalement ses droits en tant qu’État observateur.

Il y a donc bien un « coup d’après » sur la scène internationale. En toute logique, Israël devrait donc être incité à accepter un retour à la négociation et à un gel de la colonisation. Mais on sait que la « logique » israélienne est autre. C’est celle du rapport de force. Les dirigeants israéliens ne bougeront donc pas s’ils n’y sont contraints.

La France va, plus que jamais, être placée en face ses contradictions. Après le vote du 29 novembre, comment justifier que l’on continue parallèlement de renforcer les liens économiques entre l’Union européenne et Israël, comme cela a encore été décidé en juillet dernier ? La résolution du conflit ne peut s’accommoder de deux engagements absolument contradictoires. On attend donc la suite. Avec, il faut l’avouer, un peu d’incrédulité.

Le président palestinien Mahmoud Abbas s'adresse à l'Assemblée générale de l'ONU, le 29 novmebre 2012. - JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Monde
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