Une rentabilité au poil

La beauté low cost, c’est possible, et surtout très lucratif. La preuve avec les salons de coiffure Tchip.

Clémence Glon  • 15 novembre 2012 abonné·es

Une étoile empruntée à la compagnie Texaco et les couleurs criardes d’un quartier de Miami. En lançant sa chaîne de salons Tchip (francisation de l’anglais cheap  : bon marché) en 1996, Franck François ne pensait pas devenir le roi de la coiffure low cost. Mais le concept du « couper vite pour pas cher » a fini par faire déborder les caisses de ce coiffeur lillois. 480   salons ont ouvert en France. Et les clients s’y pressent pour se faire dégager la nuque, colorer ou permanenter pour 20 à 50   euros TTC. « L’idée m’est venue lors d’un voyage au États-Unis, explique Franck François. *On trouve là-bas des coiffeurs à un dollar. Mais seuls les Cubains de Miami misent sur la qualité. »

« Tchip, la qualité à petits prix sans chichis », annonce la publicité. Les clientes d’un salon du XIe arrondissement de Paris ne s’étonnent donc pas que les toilettes soient inaccessibles ni qu’il faille allonger 50 centimes pour un café. La révolution capillaire ne se mène pas sans quelques sacrifices. Alors les détails des coupes passent à la trappe et les coiffeurs doivent donner forme aux desiderata des clients en vingt minutes chrono. « En choisissant Tchip, les professionnels savent qu’ils devront donner du rendement », précise Jacques Benelotti, secrétaire général adjoint de FO-coiffure. Une moyenne de huit clients par jour et par coiffeur, contre cinq dans un salon classique. L’ADN de l’enseigne, c’est ce coup de ciseaux, professé dans quatre centres de formation, qui permet d’éviter de revenir plusieurs fois sur une même mèche. « La méthode est de rendre le geste utile au maximum et de gagner du temps minute par minute », détaille Jean-Louis Bieckens, directeur technique du groupe Vog, auquel appartient Tchip. Mais les employés ne sont pas pour autant des ouvriers à la chaîne, assure-t-il : « C’est une autre manière de voir la coiffure. Un serveur ne s’attend pas à fournir le même travail en postulant dans un fast-food ou dans une grande brasserie. » Derrière les bacs à shampoing, Vincent, apprenti de 21 ans, prépare sa couleur. Pour éviter la perte d’espace, les préparations se font dans la pièce principale. Les deux clientes qui patientent assises contre la vitre voient passer chariots, casques, séchoirs et manteaux. « J’ai choisi Tchip parce que je savais que je ferais un peu de tout, tout de suite », explique Vincent. La fameuse polyvalence, marque de fabrique du secteur low cost… « Ici, il y a toujours quelque chose à faire. Lorsqu’il faut attendre les clients, les journées sont interminables », avance Ève, 18 ans, en contrat professionnel.

Faute d’adhésion des salariés de Tchip, les syndicats manquent d’informations sur leurs conditions de travail. Mais les employés y sont souvent très jeunes et biberonnés à la culture d’entreprise. « Aujourd’hui, il paraît normal de ne pas dénigrer ce qui nous fait vivre », estime Élisabeth Chartier, de la CGT-coiffure. Souvent, les coiffeurs ayant acquis leurs compétences dans d’autres salons ont du mal à passer au coup de ciseaux magique. Mais le faible droit d’entrée pour obtenir la franchise – 8 000 euros hors taxe, une aubaine pour le milieu – a toutes les chances de leur faire oublier au plus vite de trop bonnes habitudes.

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Au secours, la droite revient
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