Mali : L’enjeu algérien

La France a besoin du soutien de l’Algérie. Autant dans le cadre du conflit malien qu’en raison des échanges économiques avec son ancienne colonie.

Denis Sieffert  • 24 janvier 2013 abonné·es

Avec l’Algérie, c’est évidemment compliqué. Pour preuve, la récente visite de François Hollande à Alger, au mois de décembre. On a beaucoup pensé économie et échanges commerciaux, mais on a surtout parlé « mémoire » post-coloniale. Le président français allait-il demander pardon pour les crimes de la colonisation ? La réponse à cette question apparaissait comme un sésame ouvrant d’autres portes, celles de juteux contrats commerciaux. On sait que François Hollande n’a pas imploré de pardon, mais qu’il a reconnu les souffrances infligées par 132   ans de colonisation, « un système, a-t-il dit, profondément injuste et brutal ». Insuffisant, semble-t-il, pour récolter autre chose qu’une moisson de contrats que les Échos qualifiaient de « modestes ». Un accord de partenariat pour Renault avec SNVI, l’entreprise algérienne de véhicules industriels, et pas beaucoup mieux. En vérité, les relations commerciales entre les deux pays sont déjà importantes, mais elles sont centrées sur peu de secteurs : principalement l’énergie (Total) et le BTP pour les infrastructures et les transports (Alstom et Vinci, notamment). L’enjeu « algérien » n’est donc pas étranger à l’intervention française au Mali.

Confrontée à ce conflit, à l’extrême sud de son territoire, l’Algérie avait plutôt pour intention de rester soigneusement à l’écart, faisant confiance, comme d’habitude, à son appareil sécuritaire pour ne pas subir d’onde de choc. D’où la volonté d’Alger de verrouiller sa frontière, et son peu d’enthousiasme pour donner l’autorisation à l’aviation française de survoler son territoire. Le gouvernement algérien a tout fait pour accréditer l’idée que le conflit malien ne le concernait pas. Précisément parce qu’il le concerne autant que le Mali lui-même. La prise d’otages dans l’usine de Tigantourine, le 16 janvier, l’a replacé brutalement au centre du conflit. D’un point de vue économique, car les hydrocarbures sont la principale richesse de l’Algérie, qui a exporté son pétrole à hauteur de 51 milliards d’euros en 2012. Ce qui génère plus de deux tiers de ses recettes budgétaires. Le site visé par le groupe armé exploite « près de 9   milliards de mètres cubes de gaz par an, ce qui correspond à 12   % de la production algérienne de gaz mais à 18   % des exportations de gaz du pays », selon Thierry Bros, analyste de la Société générale. Et la France est intéressée en premier lieu. L’Algérie est son premier fournisseur. Les échanges ont d’ailleurs triplé depuis le début des années 2000 pour atteindre plus de 10 milliards d’euros en 2010.

Mais, pour l’Algérie, l’attaque du site de Tigantourine avait aussi une dimension politique. Les assaillants étaient dirigés par des Algériens, tout comme la plupart des groupes jihadistes qui s’étaient emparés du nord du Mali. Autant d’événements qui rabattent le conflit malien sur le territoire algérien, et ramenaient le pays quinze ans en arrière. D’où l’extrême violence des commandos de l’armée.

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