De la défaite de la volonté à la débâcle politique

Laurent Mauduit dresse un réquisitoire implacable contre le bilan de Hollande.

Denis Sieffert  • 18 avril 2013 abonné·es

Dans l’Étrange Défaite, ouvrage écrit entre juillet et septembre 1940, l’historien Marc Bloch observait à propos de la débâcle de l’armée et des élites françaises : « Le pis est que leurs adversaires y furent pour peu de chose. » Cette même idée d’une défaite qui trouverait son origine non dans l’adversité mais à l’intérieur même d’une gauche minée par une soumission aux banques et à la finance, Laurent Mauduit la reprend dans un livre bilan de la première année de François Hollande à l’Élysée. Il s’agit donc moins d’une « défaite » que d’une « capitulation ». Le mot est fort. Mais il prend tout son sens à mesure que l’on avance dans la lecture de l’ouvrage du cofondateur de Mediapart. Mauduit dresse un véritable « procès-verbal [du] renoncement » du Président. Le quinquennat commence par une attaque en règle contre le principe même du Smic. Une « histoire accablante », note Mauduit, « d’abord, parce qu’à très peu de chose près, François Hollande poursuit la politique injuste d’austérité de Nicolas Sarkozy ». C’est la première manifestation du « choc de l’austérité ». Le pays découvre ensuite l’ampleur du plan d’économie budgétaire qui va lui être imposé.

Un mot s’impose dans le vocabulaire gouvernemental : « Compétitivité ». C’est Pierre Moscovici qui l’emploie le premier, le 28 juin 2012, devant un parterre patronal. L’ennui, c’est que ce mot, banni du vocabulaire du candidat socialiste, était au centre du discours de son adversaire. Mauduit pose alors la question que l’on a tous au fond de nous-mêmes : « François Hollande avait-il vraiment le choix ? » « La trahison de Florange » était-elle inévitable, et la réforme bancaire impossible ? Et l’abandon de la réforme fiscale était-il fatal ? Il répond à ces questions en reconstituant par le menu le récit des prises de décision – l’anecdote est souvent édifiante –, et en convoquant l’histoire pour montrer que la tyrannie de l’argent a toujours existé. C’est le propre des grandes figures du mouvement socialiste d’avoir tenté d’y résister. Au lieu de cela, les équipes actuelles ressemblent à des « notaires tristes » qui ne manifestent guère d’empathie pour le peuple. Mais, nous dit Mauduit, l’histoire n’est jamais écrite. Pour garder espoir, il nous rappelle que François Hollande a su par le passé mener de vraies batailles « réformistes » au sein du Parti socialiste. Il a été l’un des rares à « avoir le courage de dire ses désaccords avec les embardées ultralibérales de Pierre Bérégovoy ». Enfin, l’exemple de Roosevelt, qui, confronté à la plus terrible des crises, a mis au pas la finance, montre bien qu’il n’y a nulle obligation à consentir à la tyrannie des puissances d’argent.

Idées
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Les pédés sont des sorcières comme les autres
Essai 14 novembre 2025 abonné·es

Les pédés sont des sorcières comme les autres

Dans un essai visionnaire initialement publié en 1978, l’auteur et militant gay Arthur Evans dresse des ponts entre la culture des sorcières et le destin des communautés LGBT à travers les âges. Une histoire rythmée par les dominations sexistes, homophobes, racistes et écocidaires.
Par Salomé Dionisi
13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »
Entretien 13 novembre 2025 abonné·es

13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »

Les audiences avaient duré dix mois et réuni une centaine de parties civiles. En septembre 2021, vingt accusés comparaissaient devant la cour d’assises spéciale de Paris dans le procès des attentats du 13 novembre 2015. Maître de conférences en science politique, Antoine Mégie a mené, avec trois coautrices, une enquête au long cours sur le procès.
Par Olivier Doubre
Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »
Entretien 5 novembre 2025 abonné·es

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »

Des millions de personnes dans les rues, un pays bloqué pendant plusieurs semaines, par des grèves massives et reconductibles : 1995 a été historique par plusieurs aspects. Trente ans après, la politiste et spécialiste du syndicalisme retrace ce qui a permis cette mobilisation et ses conséquences.
Par Pierre Jequier-Zalc
1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique
Analyse 5 novembre 2025 abonné·es

1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique

Le mouvement de 1995 annonce un retour de l’engagement contre la violence néolibérale, renouant avec le mouvement populaire et élaborant de nouvelles problématiques, de l’écologie à la précarité, du travail aux nouvelles formes de solidarité.
Par Olivier Doubre