Irrationnalité économique

Manifestement, aucun objectif économique n’est atteint.

Jérôme Gleizes  • 18 avril 2013 abonné·es

Toute politique économique doit respecter deux principes. Celui de cohérence (Tinbergen) : avoir autant d’instruments économiques que d’objectifs ; et celui d’efficience (Mundell) : affecter l’instrument à l’objectif pour lequel il a la meilleure efficacité relative. Depuis l’élection de François Hollande, quels sont les résultats ? Le taux de chômage est passé de 10,2 % (mai 2012) à 10,8 % (février 2013), battant presque le record de 1997, avec aussi 5,3 millions d’inscrits à Pôle emploi. La croissance en 2012 est en berne. Prévue à 0,8 %, elle est quasi nulle après la révision au premier trimestre 2013 à – 0,3 %, soit 449,45 milliards d’euros produits, presque au même niveau que lors du troisième trimestre 2008 ! Le pouvoir d’achat a diminué de 0,8 %. Le déficit public s’élève à 4,8 % du PIB contre un objectif de 4,5 %, la dette a battu un record à 1   833,8 milliards d’euros, soit 90,2 % du PIB contre 85,8 % en 2011. Selon le chef de l’État, « la bonne stratégie économique, c’est de réduire [le déficit budgétaire] sans rien faire qui puisse affaiblir la croissance.  […] Redresser les comptes est une obligation financière, morale, mais c’est également une obligation de souveraineté parce que la France ne doit jamais être en difficulté sur les marchés »  [^2]. Manifestement, aucun objectif économique n’est atteint !

Les principaux instruments utilisés par le gouvernement pour relancer la croissance sont le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, soit 20 milliards de réduction d’impôt calculé à partir de la masse salariale des entreprises ; la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier. La loi de finances pour 2013 prévoit de réduire le déficit budgétaire de 30 milliards (20 sont des impôts nouveaux, 10 sont des économies). Cette politique est essentiellement austéritaire, contrairement aux propos de François Hollande : « Aucun ministre du gouvernement ne peut remettre en cause la politique conduite, qui n’est pas l’austérité [^3]. » L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et différents organismes européens dénoncent cette politique de l’austérité, qui « mise en œuvre dans une période de basse conjoncture, pendant laquelle la valeur des multiplicateurs budgétaires est élevée, conduit à une impasse complète dans les pays les plus en difficulté. L’obstination des gouvernements à réduire le déficit débouche ainsi sur une spirale de rigueur et de récession »  ^4.

Avec 63 % des échanges économiques qui se font entre pays européens, une politique d’austérité ne peut être efficace que si elle n’est pas généralisée à l’ensemble de l’Union européenne. En outre, toute compétitivité fondée sur la seule baisse du coût du travail se heurtera à la concurrence de pays comme la Chine, disposant d’un avantage comparatif salarial. De plus, comme la part de l’industrie manufacturière dans le PIB s’est réduite de 20,6 % à 10 % depuis 1980 en France, il faut une stratégie volontariste de relance des investissements, notamment pour assurer la transition énergétique et écologique… et permettre la croissance tant désirée par le Président ! Comme le disait Aristote, la politique est comme une science, elle est le produit de la logique et de l’expérience. Si les résultats divergent des objectifs, alors il faut changer de politique.

[^2]: Discours de François Hollande, à Dijon le 12 mars.

[^3]: Conférence de presse du 10 avril.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes